Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/378

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À la nuit, des ombres sortirent une à une de la cabane située au bord de la route. Un espion, s’il s’en fût trouvé en cet endroit écarté, en eût compté cinquante-quatre. Toutes traversaient la chaussée et s’enfonçaient dans les broussailles.

Quand elles eurent disparu depuis quelque temps, une nouvelle silhouette humaine se profila sur le mur de la chaumière ; silhouette inquiète à coup sûr, car elle se courbait, rampait, semblant suivre une trace. Pliée en deux, elle traversa la route à son tour, disparut dans les buissons.

Seulement dix minutes ne s’étaient pas écoulées qu’elle reparaissait. À présent l’homme avait sans doute banni toute crainte, car il développait sa haute taille. La lune éclaira le visage d’Antonio.

— Tous partis au Dolo, bien partis, monologuait-il. Je suis maître de ma reconnaissance.

Dans le souterrain qui lui servait de prison, Daalia songeait à cette heure.

Ah ! sa fortune sacrifiée par la lettre écrite dans la journée, elle l’avait oubliée déjà. Son esprit était plein d’Albin, de ce cousin qu’à première vue elle avait deviné loyal et sincère, et qui venait de lui prouver qu’elle ne s’était pas trompée en lui disant :

— Riche, j’aurais hésité. Pauvre, je me sens le courage de vous affirmer que ma vie est à vous.

Ah ! béni soit le serment à M’Prahu qui lui vaut la certitude d’un dévouement absolu. Certes, Oraï, le grand prêtre Myria-Outan l’immoleraient sur l’autel du dieu Batta, s’ils savaient qu’Albin connaît aujourd’hui la vérité. Mais ils l’ignoreront toujours. Et alors… à quoi bon trembler, à quoi bon craindre ?

Soudain, elle sursauta.

La porte venait de s’ouvrir et Antonio se présentait sur le seuil.

— Doña, fit-il respectueusement, vous souvient-il du fort Mariveles ?

Elle répondit oui du geste, surprise par ce début.

— J’étais seul au milieu des tyrans de Luçon. Ils allaient me mettre à mort. Une voix, douce comme celle des anges, parla en ma faveur et on me laissa vivre.

— Vous tuer eût été un crime.

Le métis haussa insoucieusement les épaules.