Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/410

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À bord, tout cela était suivi par l’équipage avec un intérêt passionné.

Les petits hommes jaunes se délectaient du spectacle que leur donnait leur chef. Ils triomphaient de la « plaisanterie » que Kuroki faisait aux barbares d’Europe. Les efforts du Varyag pour distancer leur navire, pour le rejoindre, leur avaient appris, d’une part, qu’ils agaçaient le russe, d’autre part, que leur vapeur était absolument supérieur.

Deux raisons, dont une seule eût suffi à mettre en joie les « Nippons ».

Puis le Varyag sembla avoir renoncé à atteindre son adversaire. La fumée cessa de se précipiter à flots pressés par les cheminées trop étroites, et la route vers le nord fut reprise, comme si le voisinage du Nasaki fût devenu indifférent au bâtiment du tsar.

— Il renonce, murmura Oraï à un instant où le commandant Kuroki était revenu auprès de lui.

— Peut-être, murmura le Japonais.

— Quoi ? cela ne vous paraît pas évident ?

— Ils attendent l’obscurité pour tenter de me surprendre. Cela est possible à tout le moins, et je me tiendrai sur mes gardes… au début de la nuit.

— Au début seulement ?

— Oui, car à la fin ce sera inutile.

— Inutile.

— Nous aurons souhaité le bonsoir à ce lent croiseur et, à toute vitesse, nous filerons, hors de ses vues, vers la Corée.

Le jour s’éteignit, les ténèbres couvrirent la mer de leur suaire. Au loin, les fanaux du Varyag s’allumèrent. Le Nasaki alluma les siens.

Puis le Varyag masqua ses cheminées ; le bateau japonais fit de même. Seulement à la minute où la position des fanaux indiqua que le bâtiment russe changeait de direction et marchait sur le Nasaki, les feux de celui-ci s’éteignirent et Kuroki commanda :

— Vitesse maxima, droit au nord.

Oraï était près de lui, passionné à son tour par cette chasse à la surface de l’Océan.

— Regardez-le bien, ce russe, dit Kuroki, car demain nous l’aurons laissé loin en arrière.

L’hélice tournait avec rage, les pistons précipitaient leur mouvement. Ainsi qu’un cheval de sang,