Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/420

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pire. Il faudrait être bien cruelle pour lui résister. La fille de l’oncle François reprend sa place, et avec une gratitude infinie dans ses yeux de velours :

— J’attendrai, mon cousin.

Il la remercie du geste. Il saute sur le débarcadère, imprimant au canot un balancement.

En deux bonds, il a dépassé les toupous, et par un brusque crochet il s’est porté derrière eux. Un double cri retentit, et courant, Albin rejoint la barque, y rentre.

— Oraï est là. Je ne m’étais pas trompé.

Elle a un petit gémissement d’angoisse.

Mais il n’y a pas à chercher comment il a pu précéder les fugitifs en Corée, il est bien là. Découvert par Albin, il ne se cache plus. Il parle avec animation au gouverneur.

Alors Gravelotte s’adresse au patron du canot.

— Au nom du ciel, ramenez-nous au Varyag.

— L’ordre du commandant…

— Il le révoquera. En obligeant cette jeune fille à débarquer, vous l’enverriez à la mort.

— À la mort… bigre de bigre, grommelle le marin.

Et le brave homme fait un signe. Les avirons de bâbord s’appuient sur le débarcadère, en éloignant le canot, au moment précis où les toupous, entraînés par Oraï, se rapprochent.

L’embarcation évolue, se dirige vers le Varyag.

Des cris saluent ce mouvement : de colère chez les Coréens, de joie chez Morlaix, Lisbeth, Rana, les deux Anglaises.

Albin clame :

— Le Varyag, lieu d’asile.

— Bien sûr, bien sûr, lieu d’asile, grommelle le patron. C’est du bois russe et les magots n’ont rien à y voir.

Il a l’air enchanté. Il ne comprend certainement pas le pourquoi des choses, mais il a vu, à la mimique irritée d’Oraï, du mandarin, des toupous, que ceux qu’il ramène au croiseur ont échappé, grâce à lui, à un pressant danger. Et le sentiment de la bonne action accomplie, ce sentiment divin, qui seul élève l’homme au-dessus de la bête, fait rayonner sa face tannée d’honnête homme.

Daalia ne dit rien.

Elle se serre craintivement contre Gravelotte.