Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/152

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L’Empereur, à dater de cet instant, n’était plus que le captif de l’Europe, et afin qu’il n’en ignorât pas, ses compagnons de route allaient être quatre commissaires de la Sainte-Alliance : le général Koller pour l’Autriche ; le général Schouvaloff et le colonel Campbell pour la Russie et l’Angleterre ; le comte de Waldbourg-Truchess pour la Prusse. Deux Français seulement étaient auprès de lui, les généraux Bertrand et Drouot. Ses valets de chambre Huber, Pelard et Colin, suivirent pour l’installer à Porto-Ferrajo, capitale de l’île d’Elbe. Leur mission terminée, ils rentrèrent en France, et furent remplacés par des serviteurs dont les noms méritent d’être conservés, car ils signifient dévouement au malheur :

xxxxxxxxxx Marchand, premier valet de chambre,
Gilles, second valet ;
Saint-Denis, premier chasseur ;
Noverraz, second chasseur ;
Dorville,
huissiers ;
Santini,
Archaimbault,
valets de pied.
Mathias,

À Briare, Nevers, Moulins, Roanne, Lyon, le peuple, les soldats, acclamèrent le proscrit.

— Adieu, gloire de la France, gémissaient les Lyonnais.

Il en fut de même au Péage-du-Roussillon, à Valence, à Montélimar.

Partout des témoignages d’affliction, partout des cris d’amour poulie génie vaincu.

Hélas ! les outrages allaient suivre.

On entrait dans les contrées royalistes, où les massacres de la Terreur Blanche devaient égaler, sinon dépasser, les crimes de la Terreur Rouge ; car il faut le dire, les tueries qui ensanglantèrent le Midi, au nom du roi qui n’en pouvait mais, ne le cédèrent en rien aux exécutions faites dans le Nord, au nom de la République, qui n’en était pas plus responsable.

À Donzère, des forcenés firent arrêter la voiture de l’exilé et l’obligèrent à entendre leurs cris furieux :

— À bas le Tyran… ! Vivent les Bourbons !

L’Empereur se contenta de hausser les épaules.

À Avignon, la force armée dut intervenir pour protéger la vie du grand homme menacée par une plèbe fanatique.

À Orgon, centre des atroces représailles royalistes, on contraignit l’Empereur à assister à l’autodafé de son effigie.

Plus le voyage avançait, plus grandissait le péril.