Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/173

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— S. M. l’Impératrice Marie-Louise et son fils, laissa tomber Campbell avec une expression de triomphe[1].

Napoléon se leva brusquement, porta ses mains à son cou comme s’il étouffait.

Mais avant qu’il pût s’écrier, une voix sonore retentit à l’extérieur.

Cette voix, mâle et jeune, chantait :

Tous les Anglais sont des melons.
Non, pas tous, il faut être juste
Pour un peuple qu’on tarabuste.
Quelques-uns sont des cornichons[2].

— By Devil ! bougonna le colonel qui, de même que tous ses compatriotes, n’aimait point la plaisanterie. Voilà un insolent chanteur.

La voix continuait :

La bouche anglaise est un vrai four,
Tout autour duquel une ardente
Chevelure rouge se plante.
L’Anglais a les yeux du vautour.

En tous lieux, l’Anglais fait le beau,
Voulant être pris pour un aigle.
Et partout l’on dit, c’est de règle :
Que nous veut ce vilain corbeau ?

Drouot, enchanté de pouvoir être désagréable au commissaire de la Sainte Alliance, éclata de rire.

Du coup, le colonel n’y tint plus.

Sans souci du décorum, il courut vers la porte et se précipita au dehors en rugissant :

— Ce drôle va recevoir une correction méritée.

— Drouot, murmura l’Empereur comme au sortir d’un rêve, rentrons à Porto-Ferrajo.

— Oui, Sire ; et si l’espion a dit vrai, je lui pardonnerai bien des choses, car…

Le brave officier s’arrêta :

— Achève, ordonna Napoléon…

— Vous l’exigez, soit. Je serai indulgent parce que, le premier, cet homme vous aura annoncé le plus grand bonheur de votre carrière.

Pour toute réponse, l’Empereur serra la main de son fidèle, puis remet-

  1. Papiers du colonel Campbell, qui a avoué l’erreur qu’il commit en cette circonstance.
  2. Chanson des pontons.