Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/177

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Espérat Milhuitcent ! Henry Pandin. Tout le jour, ils galopaient auprès de sa voiture.

Le soir, ils se multipliaient pour assurer à la comtesse la meilleure chambre, le souper le plus délicat, dans la maison de rencontre où l’on faisait halte.

Ils amusaient le petit enfant pour l’endormir. À la traversée des villes, ils trouvaient le moyen de se procurer un jouet, une friandise, qui mettaient en gaieté le mignon voyageur.

— Oh ! ces Français, murmura Mme de Walewska ! Chez eux les gamins sont des héros ! Comme Il était bien, l’Empereur, de cette race vaillante et généreuse.

Il ! Ce pronom la ramena au but de son pèlerinage, à l’heure présente.

— Pourvu qu’il m’entende, qu’il se résolve à échapper au guet-apens qui se prépare là-bas, dans cette Vienne perfide !

Puis inquiète :

— Oh ! qu’il ne nous oblige pas, nous, à tenir notre cruel serment ! Vivre séparés ! Nous, vivants, voir notre fils orphelin ! Où est-il en ce moment ? Espérat a-t-il réussi à le joindre ?

Mais le sourire revint à ses lèvres :

— Oui. Ce brave garçon leurrera le ridicule commissaire anglais qui m’a reçue au débarcadère.

Campbell, en effet, avait assisté au débarquement de la belle visiteuse.

Dans le fauteuil, où il reposait, le petit garçon de la comtesse fit un mouvement.

Mme de Walewska se leva vivement et vint à lui.

Le petit dormait toujours. Elle le couvrit, d’un regard tendre et doucement :

— Ai-je bien fait de le revêtir d’un costume semblable à celui du Roi de Rome ? N’imposerai-je pas ainsi une émotion cruelle à l’Empereur ?

Mais elle secoua la tête :

— Il faut qu’il soit ému. Il faut qu’il regrette son cher petit absent. Ainsi il comprendra que, pour le revoir, il doit de nouveau faire trembler l’Europe.

Un bruit de galop parvint jusqu’à elle.

Un tressaillement la secoua de la tête aux pieds. Elle se glissa vers la fenêtre et regarda au dehors.

Trois cavaliers venaient de s’arrêter devant la maison.

Elle les reconnut.

C’étaient l’Empereur, le général Drouot et Espérat.