Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/284

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— Date anniversaire de la naissance du roi de Rome, comme le font remarquer des libelles que d’invisibles mains répandent dans tout Paris.

— Mais la ville s’insurgera.

— Point mon cher comte.

— Comment, vous doutez de Paris ; après les manifestations royalistes de ces jours derniers ?

— Je doute, et pour cause. Dans un instant, vous douterez comme moi.

De sa poche le publiciste tira un numéro du Journal des Débats.

— Tenez, mon bon monsieur, voici l’article de tête de ce matin. Je vous le lis. S’il vous semble ennuyeux, ayez patience ; dites-vous qu’avant peu vous le trouverez plein de saveur.

Sur ce préambule, il se prit à lire :

Débats, 19 mars[1]. — Bonaparte s’est évadé de l’île d’Elbe, où l’imprudente magnanimité des souverains alliés lui avait accordé une principauté, pour prix de la désolation qu’il avait promenée dans leurs États.

« À la tête de quelques centaines de bandits, profitant de la stupeur de la nation, écœurée de tant d’audace, il a traversé une grande partie du territoire.

« Ce succès éphémère a enflé d’orgueil le cœur du lâche guerrier de Fontainebleau. Il s’expose à la mort des héros ; Dieu permettra qu’il meure de la mort des traîtres. La France l’a rejeté ; il revient ; la terre de France le dévorera.

« Un seul cri retentit par toutes les provinces : Mort au tyran ! Vive le roi ! »

— Je vous fais grâce du reste, railla l’interlocuteur du comte, l’article se poursuit ainsi sur trois colonnes, dans lesquelles on voit successivement Napoléon pendu, guillotiné, fusillé, rompu, écartelé, après exposition au pilori de l’opinion !

  1. Collection du Journal des Débats.