Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Dans votre bissac, monsieur Jean, vous avez quelques ampoules d’air liquide.

— Oui, mademoiselle ; la grande caisse reste à bord ; mais, suivant vos instructions, je conserve toujours avec moi quelques projectiles.

— Bien. Ces bandits, il m’a semblé le comprendre durant le dîner, dorment dans une cabane située en dehors de l’osteria, du côté de l’aval du fleuve.

— J’ai entendu la même chose, appuya Ydna.

— Eh bien, allez, je vous en prie ; vengez mon père, vengez-moi !

Un coup de massue n’eût pas étourdi Jean plus que la proposition de Stella.

Certes, sa conscience le reconnaissait, Crabb et Candi étaient des misérables pour lesquels nulle punition ne serait trop cruelle.

Mais, de par le monde, il existait un homme, le seul peut-être qui n’eût pas le droit de les juger, de les punir, et c’était précisément celui-là que l’on chargeait de la terrible mission de justice.

En l’espace d’un éclair, sa jeunesse passa devant ses yeux.

Comme ils avaient été bons, ces assassins ; comme ils lui avaient épargné toute souillure, ces êtres gangrenés.

Il les revoyait tendres, attentifs à ses moindres désirs, toujours prêts à payer ses études, ses fantaisies, veillant à ce qu’il ne manquât jamais d’argent de poche.

Oh ! cet argent, fruit de rapines, il le savait à présent ; ces pièces qu’il dépensait joyeusement, ignorant leur origine infâme, comme il en avait horreur.

Horreur, oui ; mais aussi gratitude.

Il avait l’épouvante du crime des bandits ; mais son cœur, en dépit de tout, gardait l’affection née de leur dévouement.

Car ils lui avaient été dévoués.

Il se rappelait leur satisfaction respectueuse à chacun de ses examens passé avec succès, leur émotion lors de son entrée à Polytechnique ; puis là-bas, au mont Pelé, ces gens, qui venaient de condamner sans