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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/273

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ne traverse pas le feuillage, j’enflamme une allumette, mon bon.

« Crac, le phosphore pétille, et je vois, je ne vois rien du tout, car une chauve-souris, grosse comme une poule, un vampire, éteint ma lumière d’un coup d’aile et s’envole à toute vitesse.

« Décidément, je pense, si je continue, je vais réveiller tous les habitants de la maison. Ça serait pas convenable, de la part d’un homme qui n’est pas du pays.

« Et je m’étends au fond de la pirogue, rascasse, avé la satisfaction de m’être conduit en voyageur bien élevé. J’ai dormi longtemps, car il fait grand jour quand j’ouvre les yeux. Et encore je les ouvre parce que Francis, Pierre et Marius poussent des mugissements de jeunes tapirs.

« — Quèsaco ?

« Ils agitent les bras et crient sans me répondre. Ils ont tous le nez en l’air, comme s’ils voulaient qu’il pleuve dedans, fanfarou.

« Je regarde et je comprends.

« Au-dessusse de nous, il y a toute une armée de singes ; et ces petits drôles, ils ont profité de notre sommeil pour nous dévaliser. Ils ont nos carabines, nos revolvers, nos machete, nos chapeaux.

et assis sur les branches, suspendus par la queue, la tête en haut, la tête en bas, ils font l’exercice, ils grimacent ; mes compagnons lèvent les bras au ciel, comme des gens désespérés. »

— Il y avait de quoi, interrompit Francis. Perdus dans l’immensité du Gapo, sans armes, c’était la mort assurée, c’était la certitude de ne jamais revoir Ydna.

— , s’exclama Massiliague en riant, ce digne Canadien a une nature larmoyante ; le voilà, pâle comme un petit oignon d’Ollioules, rien qu’au souvenir d’une plaisanterie de ces pauvres quadrumanes. Moi, je l’avoue, fanfarou, je fus pris d’un fou rire ; d’autant plus que je n’eus pas une seconde d’inquiétude. À Marseille, nous savons converser avec les singes !

« Té, je dis, mon pitchoun, tu veux ta carabine, ton