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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/438

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Jean désigna Stella.

— Pour son bonheur.

La prêtresse avait cessé d’interroger.

— Malheureux, dit-elle, je te pardonne…

Et, s’adressent à ses compagnons :

— Je vous guiderai vers Incatl, et, je l’espère, nous y parviendrons avant le misérable.

Elle courut à sa monture, sauta en selle.

Tous l’imitèrent et s’éloignèrent sans tourner la tête vers Bartolomeo qui marmottait, en faisant tinter les pièces dans sa poche :

— J’avais juré de leur offrir à boire ; mais je n’avais pas juré de me faire trouer la peau pour les obliger à avaler.

En cinq minutes il eut perdu de vue les cavaliers. Ceux-ci avançaient en silence. Brusquement, Ydna fit halte en face d’un magnifique palissandre, qui avait été écorcé jusqu’à quatre mètres du sol environ. Sur le bois rouge, veiné de brun, ainsi mis à nu, étaient gravés des signes étranges, dominés par la figure rayonnante du soleil.

— Le chemin des Incas, dit lentement la jeune fille.

Les signes mystérieux, vestiges de l’ancienne écriture inca, indiquaient la sente aux initiés.

Autrement, il eût été impossible de supposer qu’une voie praticable partait de ce point. Les arbustes, les lianes croissaient aussi abondants, aussi enchevêtrés qu’aux alentours. Sans tâtonner, elle souleva un rideau de lianes.

— Suivez-moi.

Un à un ses compagnons passèrent, puis les lianes retombèrent.

En pente douce, une large voie courait sous les frondaisons géantes. Une lumière tamisée tombait des ramures, donnant au sous-bois un charme mystérieux. La prêtresse semblait transfigurée. Son front se nimbait d’une auréole. C’est qu’en son for intérieur, les héroïsmes de sa race déchue bouillonnaient. À cette heure, elle conduisait les défenseurs du soleil, et sa pensée remontait le cours des siècles, elle avait l’illusion de revivre une épopée inca, antérieure à la venue maudite des conquérants espagnols.