— Bien, reprit Marchand, tu avais un congé, soit. Ce n’est pas une raison pour me réveiller. Retourne à ton escouade et fais que j’oublie ton nom.
Cette admonestation paternelle lui paraissait devoir mettre fin à l’entretien.
Il n’en fut rien.
Le tirailleur tourna énergiquement sa tête noire, en déclarant avec force :
— Moi pas partir, Sans moi dire avec toi ce que j’ai vu sur la rivière.
Du coup, l’officier devint attentif.
L’insistance du Soudanais indiquait une découverte grave.
— Parle.
— Eh bien. Vu bateaux de fer avec canons, et puis des chalands tout pleins de soldats.
— Des canonnières, des chalands… c’étaient des Anglais.
— Non, pas Anglais.
— Quoi donc alors ?
— Ne sais pas ; des noirs pas Sénégalais, pas du Soudan non plus. Un Chillouk crie moi : Ça, soldats du Khalife, eux vouloir chasser toi de Fachoda.
— Du Khalife ? D’un bond, Marchand s’était levé. Il s’habillait tout en continuant à interroger Ridsou.
— Combien de canonnières ?
— Deux, commandant.
— Et de chalands ?
— Huit.
— Grands ?
— Oui, grands plus beaucoup que ceux à nous. Bateaux contenir cent cinquante, deux cents soldats. Alors, moi couri vite, pour arriver avant eux. Mais eux pas loin. Et si ennemis, comme a dit Chillouk, réveiller tout le monde ; donner cartouches tout plein beaucoup. Juste le temps. Bateaux pas se fatiguer comme jambes, mais avancer tout de même.
Le commandant était prêt.
Il courut chez Baratier, envoya Ridsou prévenir les autres officiers qu’il les attendrait au logis du capitaine.
Un quart d’heure plus tard, l’état-major était réuni.
Mis au courant, tous attendirent les ordres du chef.
Ceux-ci furent brefs.