Les yeux du parlementaire lancèrent un jet de flamme, à l’audition de ces mots : ma ville sur lesquels l’officier français avait appuyé à dessein.
Mais ce fut d’un ton calme qu’il reprit :
— L’erreur obscurcit ton esprit, la ville de Fachoda est au Khalife.
Un sourire passa sur les lèvres du commandant.
— L’ayant conquise, je suis certain qu’elle est à moi.
— Conquérir ne suffit pas, gronda le bey, il faut pouvoir conserver.
— Je ferai de mon mieux.
L’envoyé parut alors comprendre qu’il devait s’expliquer davantage.
— Je suis venu-au nom du Khalife, reprit-il. Il ne désire pas ta mort. Mais en occupant Fachoda, tu le coupes de Gaba-Schambé où sont rassemblés ses approvisionnements.
— Je le regrette. Cependant j’ai hissé sur cette ville le pavillon de mon pays, et je ne saurais l’abattre sans l’ordre de mon gouvernement.
— Tu veux donc la guerre ?
Marchand parut réfléchir, puis d’une voix calme :
— Es-tu chargé de me l’annoncer ?
Le bey fut surpris par la riposte.
— Tu ne songes pas, dit-il, que la lutte est inégale.
— Pardon, j’y ai pensé.
— Tu as sous tes ordres à peine deux cents hommes.
— C’est vrai.
— Deux mille guerriers sont en face de toi.
— Deux mille, répéta le commandant. Je te remercie de m’apprendre ce chiffre.
Et comme le parlementaire, quelque peu interloqué, gardait le silence.
— Est-ce tout ce que tu désirais me dire ?
— C’est tout.
— Alors retourne vers celui qui t’envoie et rapporte-lui ma réponse. Fachoda est maintenant à la France, et les soldats que contient la ville ne la rendront à personne.
Le messager s’inclina.
Puis étendant la main en signe de menace.
— Que le sang qui va couler retombe sur ta tête et marque les tiens au front jusqu’à la quatrième génération.