toujours en montrant ses gencives dont les dents sont absentes ; Bouba qui dit à chaque consommateur :
— Bouba, plus dents. Li dents parties, grand voyage. Li dents à ti partir bien plus tôt avant mi miennes reveni.
Elle est coquette néanmoins, la vieille Bouba. Elle a une chemise de soie, jadis verte, qui décollète ses épaules noires, un jupon écossais, et de larges babouches rouges cachent ses pieds nus.
À force de patience, elle a réussi à donner à sa toison crépue, l’apparence d’un chignon, dont l’extrême pointe est cachée sous son chapeau rose.
Bouba s’empresse autour de Jane.
— Quoi ti boi, petit cœur, dit-elle. Soif, bé sur, li souleil routit.
Et ne recevant pas de réponse, elle continue :
— Ti boi Itoutou, ti vouloi…
Mais l’itoutou, boisson fermentée extraite des fruits de l’arbre Djoriga (Aubrya Gobonensis) ne paraît pas tenter Jane.
La jeune fille hésite ; alors Bouba lui montre un petit fût sur lequel est écrit : Porto.
Cela fait partie des provisions de la mission.
— Porto, bonno eau di raisin… li fara ta joue rose, ti joulie tout plein.
Alors Jane se décide.
Le porto jouit d’une estime particulière en Angleterre.
Et puis c’est si drôle de se faire offrir du porto, dans une cantine, par un soldat noir.
Quelle aventure, pleine de couleur (sans calembour) à consigner dans sa prochaine lettre à ses amies d’Angleterre, à ses anciennes condisciples de l’institution Phileabog, de Chatham.
Bright, très égayé aussi, s’absorbe dans la confection d’un cognac coktail.
Certainement pour le coktail, le whiskey est préférable à l’eau-de-vie française, mais quand on n’a sous la main que cette dernière, il faut savoir s’en contenter. À la guerre comme à la guerre. In the war as in the war.
Soudain, un sergent entre sous la tente.
Celui-ci est un blanc.
Il s’approche des Anglais, et avec politesse :