Il dit les forces de sa tribu, son village florissant entouré d’une palissade de pieux.
Puis, s’exaltant toujours davantage, il parla des « Igli ».
C’est ainsi, on le sait, que les populations indigènes appellent les Anglais.
Ce mot est une corruption euphonique de English, vocable qui, passant des gosiers britanniques dans les oreilles nègres, devient Igli.
Cela suffit.
Le commandant, pressentant une trahison, se garda bien d’interroger l’homme, mais il égratigna sa vanité.
Il plaisanta sa tribu, que le fusil d’un blanc ferait fuir comme un troupeau d’antilopes.
Le moyen réussit au delà de toute espérance.
Furieux, le nègre s’emporta.
Il rapporterait ses paroles insultantes à ses frères. Ils en tireraient vengeance.
Puis, aveuglé par son courroux, il raconta que lui-même était venu reconnaître les forces des chefs blancs.
Il les défiait,
Certes ils pourraient le mettre à mort, mais sa tribu le vengerait.
Les champions de l’ordre avaient décidé les guerriers à une attaque prochaine.
Des Igli étaient au village.
Ils promettaient la victoire ; ils s’engageaient, une fois les cadavres des blancs abandonnés dans la brousse à la dent des animaux sauvages, à conduire les guerriers dans des tribus voisines, à faire d’eux des champions de l’ordre.
Avec une telle promesse, on conduirait les noirs en Chine ou dans la Lune.
On disait autrefois en Europe, pour expliquer les prodigieux succès des armées de la République et de l’Empire.
— Chaque soldat français combat comme un lion, parce que chacun porte son bâton de maréchal dans son sac.
En Afrique, on peut employer cette variante :
— Les noirs, trompés par les agents libres, sont capables des pires folies. Chacun pense porter le baudrier du champion sous son bouclier.
Cependant le chef de la mission ne laissa rien paraître des inquiétudes que lui causaient les dires de son interlocuteur.