C’était la présence du gouverneur qui, le lendemain matin, provoquait la curiosité des soldats de la garnison du fort Davis, curiosité qui fut portée à son paroxysme lorsque la servante de mistress Hodge vint chercher le lieutenant Wilde pour le conduire dans la salle où le commandant de l’ouvrage et le pasteur étaient déjà installés en face l’un de l’autre.
L’officier s’était arrêté sur le seuil.
— Wilde, commanda le capitaine Hodge, prenez deux hommes avec vous et amenez ici le… — il hésita une seconde, puis continua : — le voyageur enfermé dans la casemate N° 2.
Le lieutenant salua et, pivotant sur ses talons, prit le pas gymnastique, afin de marquer à son supérieur son empressement à exécuter ses ordres.
Alors le pasteur se tourna vers Joë Sullivan qui, le visage renfrogné, assistait silencieusement à l’entretien :
— Sir Joë Sullivan, vous semblez mécontent. Vous avez tort. Vous serez magnifiquement récompensé de votre zèle. Et dans mon rapport sur la question, j’éviterai de dire combien naïfs me paraissent les arguments que vous avez employés jusqu’ici.
Le Yankee se leva à demi :
— Naïfs ?
— Sans doute… ; rasseyez-vous.
Sullivan obéit.
— Écoutez-moi avec calme. Supposez que le champion du Sud, Massiliague, je crois ?…
— Oui, Scipion Massiliague.
— Ait été occis, comme vous le souhaitiez primitivement. Supposez que le chasseur canadien engagé par vous découvre, aidé par la Mestiza, la cachette du Gorgerin atzec-inca ; supposez même qu’il le vole, qu’il nous l’apporte. Cela empêchera-t-il la Mestiza, les Mayos qui l’accompagnent, les Indiens chez lesquels elle se rend, d’affirmer l’existence du précieux totem ? Non, n’est-ce pas ?…
Et comme Joë, avec un regard significatif, posait la main sur la poignée du machete passé à sa ceinture, le révérend Forster fit entendre un rire moqueur :
— Vous êtes expéditif, digne sir. À la rigueur, on pourrait détruire la petite troupe de la Mestiza, mais oseriez-vous assurer, que la même opération s’ef-