Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/136

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— Voilà, gentleman. Notre homme est accompagné du domestique qu’on lui donna pour le surveiller.

— Oui.

— Il a donc acheté la complicité de cet individu.

— Cela doit être.

— Or, il est élémentaire, quand on fuit, de se déguiser afin d’enlever aux poursuivants possibles l’avantage d’envoyer un signalement exact par télégraphe.

— Tu as raison.

Bientôt du reste, le maître et le serviteur constatèrent de visu que la supposition était exacte.

Massiliague parut, transformé en fermier illinois, chargé d’une carabine dans son étui de cuir fauve, la ceinture agrémentée de deux pochettes à revolvers, et côte à côte avec Marius, armé également de pied en cap, se dirigea vers la gare d’Aurora.

Bell trouva le moyen de se faufiler auprès du Texien qui allait prendre les billets de places et, quand celui-ci se fut éloigné, il demanda à son tour :

— Deux sleepings pour Oklahoma, territoire indien.

— Tiens, fit la buraliste étonnée, car les voyageurs s’arrêtent peu sur le territoire réservé aux Peaux-Rouges, je viens déjà d’en délivrer deux.

— À nos compagnons de route, répondit Bell sans hésiter ; nous partons discuter un marché avec les tribus séminoles de l’Ouest.

— C’est donc cela.

Et tendant les tickets à son interlocuteur, l’employée ajouta :

— C’est égal, vous êtes des braves, car on prétend que les sauvages scalpent toujours les chevelures.

Bell sourit et courut rejoindre Sullivan.

Tous deux s’abritèrent derrière la bibliothèque de la station pour échapper aux regards de ceux qu’ils pourchassaient.

Quand le train arriva, ils laissèrent monter le Marseillais, puis eux-mêmes s’engouffrèrent dans un autre wagon.

La cloche tinta, le tuyau de la machine lança, avec un halètement sourd, des flocons de vapeur blanche, et le convoi s’ébranla, emportant à la fois les fugitifs et leurs poursuivants.