Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/176

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Donc son cœur est loyal et la trahison ne fleurit pas en son esprit.

— Allez toujours, mon brave Peau-Rouge, vous raisonnez comme un amour. Pour vous éclairer, du reste, je vous apprendrai que la Mestiza m’a fait agréer comme son champion au congrès sudiste de Mexico, que présentement je fuis les Yankees, lesquels m’avaient fait prisonnier.

Scipion s’interrompit. Cœur de Feu fixait sur lui un regard aigu.

— Qu’avez-vous, rascasse ? grommela-t-il.

— Je lisais dans vos yeux que votre langue n’est point menteuse, que vos paroles rendent votre pensée.

— À la bonne heure, donc !

— Et je dirai à mon ami, le Visage Blanc : Descends vers le sud ; à environ quatre journées de cheval (200 kil.), au milieu d’un crique de montagnes dénudées, tu rencontreras un lac, aux eaux noires, c’est Agua-Negra. Ceux que tu cherches se sont réfugiés en cet endroit pour échapper aux pillards apaches ou comanches et aux soldats gris (les Indiens désignent ainsi les miliciens de l’Union).

Du coup, Scipion secoua chaleureusement les mains du Séminole, qui se laissa faire avec un flegme imperturbable.

— Agua-Negra, dites-vous, pitchoun. Troun de l’air, vous me tirez du pied une épine haute comme une montagne. Tu entends, Marius ?

— Monsieur en est bien certain.

Cependant l’Indien étendait la main vers les cadavres des Comanches :

— Un chef ne saurait rentrer désarmé dans son village, je vais prendre les armes de ceux-ci.

— Prenez-les donc, mon jeune ami… Et leurs chevelures avec, puisque chez vous l’on tient à ces parures capillaires.

— Pas les chevelures, riposta Cœur de Feu. Les scalps appartiennent au vainqueur.

Avant que le Marseillais eût pu l’interroger sur la signification de ces derniers mots, Cœur de Feu s’était éloigné.

Les voyageurs le virent se pencher sur les corps des Comanches, demeurer un instant incliné, puis revenir chez eux, chargé des carabines des défunts.