Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est probable, hein, chef, car vous autres Indiens, avez la manie de décerner des surnoms.

Sans sourciller, le Puma répliqua :

— Lui est l’Ombre.

— L’Ombre ?

— Car il te suit partout. On ne saurait te rencontrer sans lui.

Les chasseurs se prirent à rire, imités par les assistants. Mais la Mestiza mit fin à cet accès d’hilarité :

— Puma, murmura-t-elle, je crois, de même que vous, que les Américains ont engagé les guerriers de la Prairie. Vous parlez avec la sagesse d’un grand chef. Il me reste à vous adresser une question.

— Que la Madone fasse entendre sa voix, le Puma écoute.

— Contre qui a-t-on levé ces Apaches, ces Comanches ?

Sans un mot, le Mayo étendit la main vers la jeune fille.

— Contre moi, contre mon œuvre, contre tous ceux qui veulent les Sudistes libres du joug du Nord.

Et s’exaltant par degrés, un voile rose montant à ses joues, Dolorès continua :

— Mais les temps prédits sont proches. Celle que la liberté guide est sur la voie tracée par les ancêtres. Les Incas, les Atzecs ont tressailli au fond de leurs sépultures séculaires ; leurs esprits flottent dans l’air, pénètrent le mien. Ils m’inspirent.

Elle se calma soudain d’un brusque effort de volonté. Puis baissant la voix :

— Les Nordistes prétendent barrer notre chemin. Des nuées de guerriers sont épars entre nous et le territoire indien, où je veux pénétrer. Mais il nous reste une route que les ennemis de la liberté ne sauraient tenir.

Tous avaient tressailli. Leurs regards avides se fixaient sur le visage de Dolorès.

— Nous allons abandonner la direction de l’est, où nos adversaires ont préparé leurs embuscades. À quinze jours de marche environ, nous rencontrerons la rivière Canadienne. Ses rives sont occupées par les Séminoles, guerriers valeureux, incapables de traîtrise. Parmi eux, nous cheminerons sans peine et, avant un mois, nous serons là où je vous conduis.

— Avant un mois, répéta Francis d’une voix si basse que personne ne l’entendit.