Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/412

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Le lendemain matin, sous les fenêtres du logis où la Mestiza avait passé la nuit, deux hommes se promenaient lentement.

— Ainsi, chef, disait l’un, vous voulez solliciter la main de la doña ?

— Oui, mon pauvre Pierre. Ma vie n’a commencé que le jour où je l’ai vue pour la première fois, et s’il m’est interdit de la revoir, je préfère mourir.

— Bon ! Il m’a semblé qu’elle ne vous regardait pas d’un mauvais œil.

— Qui sait ? murmura Francis avec émotion.

À ce moment, un homme pétulant, pétillant, souriant, fredonnant, sortit de la maison, accompagné par une charmante jeune fille en qui les Canadiens reconnurent Vera.

— Té, mes amis, quelle tuile ! s’exclama le Marseillais.

— Que voulez-vous dire ?

— Lisez vous-même, mon bon.

Et le Provençal tendit une lettre à Gairon.

Celui-ci la prit. Ses yeux coururent à la signature.

— De la doña Dolorès ?

— Oui. Mais lisez, lisez.

Si étrange était l’accent de Scipion, que le chasseur obéit et parcourut ces lignes :

« Adieu, amis. Quand vous tiendrez cette lettre, je serai déjà loin, sur la route de la suprême expiation.

« D’après la tradition, c’était une jeune fille, du sang des Incas, qui devait sortir de l’ombre le Gorgerin d’Alliance, et pour écarter de son action toute pensée d’intérêt personnel, elle devait s’engager, une fois sa mission remplie, à venir présenter sa poitrine au couteau d’or du sacrificateur.

« Cette lointaine descendante des Incas, c’est moi. Élevée dans le temple souterrain de Tchualtepaï, au Pérou, j’ai été désignée pour l’œuvre d’émancipation… Je retourne là-bas, ainsi que je l’ai promis, pour être immolée sur les autels des anciennes divinités de nos aïeux.

« Adieu, encore. Jusqu’à mon dernier soupir, je conserverai le souvenir des dévoués qui m’ont permis d’accomplir ma tâche. Adieu.

« Signé : Dolorès Pacheco, ou Ninnia Inca. »