Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/59

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uniquement à mon intention. Le capitaine, un ourson du Nord, refuse… Ces gensses du Nord ne connaissent pas la paille d’Aubagne… Je tâche à lui espliquer. Tout à coup je regarde la mer… et qu’est-ce que je vois… je vous le donne en dix, en cent… en cent mille… Vous trouverez pas… un coquin de marsouin qui avait pris le cordon de mon « paille » dans sa bouche, et nageait autour du bateau, mon chapeau sur l’oreille… Il me narguait, le drôle… C’était trop pour ma patience. Ah ! coquinasse, je crie, apprête tes nageoires, je vais te faire poursuite… Et pan, je pique une tête. Tous les passagers clament, les femmes s’évanouissent… et je plonge, car mon rigoulin de marsouin, pris de peur, il avait cherché refuge dans les profondeurs insondables de la mer.

— Oh ! soupirèrent les jeunes filles avec uns naïve admiration.

Tendez, attendez donc, s’exclama vivement le Marseillais… jusque-là, ça n’était rien… mais rien du tout. Le marsouin descend, descend… peut-être à trois mille mètres, peut-être plus bas… Je le suis me contentant, pour lui apprendre à ne plus recommencer, de lui appliquer deux claques sur le museau. Là-dessus, je donne un coup de talon vigoureux, et je remonte à la surface des flots. Vite, je remets mon chapeau, car je suis sujet aux rhumes, et je voulais pas avoir froid à la tête… puis je cherche le paquebot. Disparu, envolé… à force de me tourner et de me retourner, je l’aperçois à l’horizon… gros comme un petit point.

— On vous avait abandonné ? s’écria Inès.

— C’est mal, ajouta Anina.

— Jamais des marins mexicains n’auraient agi de la sorte, déclara Vera qui se piquait de patriotisme.

Mais Massiliague leva le doigt :

— N’accusez pas le capitaine. J’étais resté cinquante-cinq minutes sous l’eau et dans l’ardeur de la poursuite, je n’avais même pas pensé à respirer. Donc, mes colombes en rieur, ce digne marin m’avait cru noyé… Son excuse est que l’on se noie dans le Nord.

— On ne se noie pas à Marseille ?…

— Eh ! non… jamais. Il arrive parfois qu’un Marseillais tombe à l’eau et y reste… Mais il y reste parce qu’il s’y trouve bien, té… Il se noie pas. J’avoue que me voyant seul, abandonné au milieu de la Méditer-