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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

Les deux hommes se dirigèrent vers la porte du salon. Laura les suivait des yeux. Elle les vit franchir l’entrée, disparaître dans la foule.

Et, tout à coup, elle frissonna des pieds à la tête.

Un organe doux, vibrant et net, venait de susurrer tout près de son oreille :

— Maintenant, mademoiselle, causons du prince.

Elle se retourna et demeura stupéfaite.

Appuyé au dossier de son fauteuil, légèrement penché vers elle, se tenait l’homme qui venait de sortir avec son père.

Même chapeau chinois, même « loup » de satin, même tunique constellée de dragons symboliques.

La réapparition de cet homme avait quelque chose de fantastique.

— Mademoiselle, reprit-il le plus tranquillement du monde, votre fiancé Orsato Cavaragio ne vous plaît pas.

— Oh non ! avoua-t-elle ingénument.

— Je le conçois… Vous préféreriez sans doute un prince ?…

— Oui, fit-elle encore les yeux brillants.

— Un grand nom, un nom auprès duquel tous les autres pâlissent.

Laura se souleva à demi :

— Si grand que cela ?

— Jugez-en : c’est un Bourbon-Valois-Orléans !

— Oh ! bégaya la gentille milliardaire, c’est trop ! c’est trop !

À travers les trous du masque, les yeux de l’inconnu eurent une scintillation étrange ; on eût cru positivement qu’ils raillaient ; mais sa voix demeura calme pour dire :

— Rien n’est trop parfait pour une charmante créature comme vous. Au commun des hommes vous sembleriez simplement une ambitieuse…

— Je suis assez riche pour me permettre,… commença-t-elle.

Il lui coupa la parole :

— Bien certainement votre fortune vous permet toutes les ambitions, ce qui ne vous empêche pas d’être avant tout une bonne et affectueuse enfant.

— Qu’en savez-vous ? demanda-t-elle d’un ton de défi, intérieurement blessée de l’accent protecteur de l’inconnu.

Celui-ci hocha la tête :

— Je suis magicien, mademoiselle. Je lis en vous comme en un livre,… un joli livre, et je découvre, ce que vous ignorez peut-être encore, que vous avez plus de cœur que de vanité, plus d’affectuosité que d’ambition.

Et comme elle secouait négativement la tête :

— J’en suis pour ce que j’ai dit. Au surplus, il ne me plaît pas de dis-