À dix pas en arrière, Topee, Laura et Nelly apparurent, le dévorant littéralement des yeux.
— Eh ! eh ! grommela l’ex-agent, je crois que les Américains ont mordu à l’hameçon. Foi de pêcheur, nous aurons de la malchance, si nous ne les ferrons pas.
Mais il s’interrompit.
Les buveurs de chocolat se montraient à leur tour. Pour ceux-ci, Mariole esquissa un sourire :
— Tiennette ! le patron !
Et faisant signe à sa fille de regarder :
— Tu vois bien celui qui l’accompagne ?
Il désignait Kozets, marchant auprès de Dodekhan.
— Oui, papa.
— Eh bien, c’est un policier, sûr. J’ai appartenu trop longtemps à la Préfecture pour m’y tromper.
— Oh ! oh ! le « Milord » se défierait de nous ?
— C’est son droit, ma chère… Il paie, donc il peut contrôler.
— Alors ?…
— Il s’agit de marcher droit, d’exécuter à la lettre les instructions de celui qui nous couvre d’or. Jusqu’à présent, j’ai obéi méticuleusement. Il consulta son carnet et lut à mi-voix.
— « Inscrire sur les bagages la mention ordinaire adoptée par notre voyageur : Prince, de Tours ; mais supprimer la virgule, — je l’ai supprimée. — Prendre sans qu’il s’en doute le même train que lui, — nous y sommes.
Il s’interrompit :
— Avant d’aller plus loin, je voulais te faire une recommandation, ma Tiennette. Obéir est bien, se taire est parfait. Oublie que tu es jeune fille, c’est-à-dire bavarde.
Noblement, Tiennette étendit la main dans l’attitude classique du serment :
— Je serai muette comme une carpe.
— Oh ! le mutisme n’est pas nécessaire. Il suffit seulement de dire des choses utiles.
Courant le long du train, les employés fermaient les portières avec bruit, glapissant d’une voix monotone :
— Messieurs les voyageurs, en voiture !
Les différents acteurs du drame s’empressèrent de reprendre leurs places, et, la locomotive sifflant, le convoi se remit en marche.