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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Je possède l’or, trouvez bon que je préfère le titre.

— Je ne saurais m’y opposer. Seulement, miss Laura, vous m’avez fait votre profession de foi. Souffrez qu’à mon tour je vous dise mon inébranlable résolution.

— Je vous écoute avec intérêt.

Le fiancé éconduit prononça lentement :

— Nous autres, dans l’Arizona, nous avons du sang espagnol dans les veines. Est-ce pour cela que notre civilisation saxonne demeure superficielle ? que notre âme reste irrémédiablement latine ? Je dois le croire. Toujours est-il que, comme nos ancêtres ataviques, notre affection est exigeante, violente, égoïste peut-être, mais follement dévouée. C’est ce sentiment que j’éprouve à votre égard.

Elle s’inclina coquettement.

— Quand nous avons donné notre cœur, il nous est impossible de le reprendre…

— Cela doit être bien gênant.

Orsato eut un geste violent ; mais, se dominant, il reprit avec un flegme menaçant :

— Très gênant, en effet, pour celle qui l’a reçue en don.

Elle persifla :

— Je vous certifie que non.

— Très gênant, continua le señor Orsato, car si je m’incline devant votre arrêt, en ce qui me concerne…, je ne saurais permettre à personne de convoiter l’inestimable trésor qui m’échappe.

Cette fois, Laura eut un léger sursaut.

— Pardon ! Vous dites ?…

— Je dis que quiconque aspirera à votre main aura à compter avec moi. Le couteau, le revolver, le poison même, doivent amener le trépas d’un adversaire qui me ravirait la consolation de penser : Miss Laura t’a refusé le bonheur, du moins elle ne l’accorde à personne.

Une rougeur rageuse avait monté au front de la jeune fille.

Les lèvres pincées, elle demanda :

— De quel droit prétendez-vous peser sur ma vie ?

Lui ricana, faisant un calembour que la situation rendait tragique :

— Je ne sais si cela est droit ou courbe. Le certain est que cela sera ainsi, et que rien n’empêchera que cela soit.

— Mais je vais vous haïr !

— La haine vaut mieux que l’indifférence.