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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/177

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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

En dépit de la familiarité autorisée par le voisinage à table, la gentille enfant évitait, en dehors des repas, de s’imposer à l’attention du prince de Tours, ainsi que tout bas son cœur virginal le nommait.

Étendue sur un rocking-chair, elle passait de longues heures, le suivant des yeux, lui souriant, lorsqu’il ne la regardait pas ; prenant un air absorbé s’il se tournait de son côté.

Elle rêvait à ce prince… à la boutonnière ornée de la branche de pin emblématique.

Vingt fois elle fut sur le point d’arborer le même bijou, se disant :

— Cela créerait un rapprochement… de lui montrer que je partage la même superstition !

Mais elle chassait bien vite cette idée :

— Non, cela serait une avance trop marquée. Il ne faut pas qu’il discerne mes projets sur lui… le magicien de l’ambassade, m’a prévenu… Il est fier de sa noblesse, et il a bien raison du reste ; s’il se doutait que je songe à le marier avec moi-même, il s’éloignerait de ma personne… Il ne faut pas.

Albert, de son côté, se livrait au même manège, aux mêmes réflexions.

Chez lui aussi, la branche de pin jouait un rôle ; mais un rôle troublant, inquiétant.

Certes plusieurs personnes à bord avaient remarqué l’original bijou et s’étaient informées du pourquoi de sa présence.

Prince avait classé sans hésitation les curieux parmi les ennemis dont il se croyait entouré.

Mais Laura, non, cela lui eût semblé trop dur de la compter parmi ses adversaires.

C’était une amie… Il n’en pouvait être autrement.

Quand on a des yeux aussi bleus, des cheveux aussi dorés, des joues aussi roses, une taille aussi souple, on ne peut avoir que d’amicales et jolies pensées.

Mais le plaisir que cette conclusion causa au jeune homme, fut le signal du bouleversement de tout son être.

Il sentait que la tendresse était éclose en lui. La tendresse pour une milliardaire, lui, simple représentant de la maison Bonnard… et il souffrit.

Au surplus, le cinquième jour de traversée, cette tristesse se fit jour.

Albert devisait sur le pont avec Mariole, Tiennette, Dodekhan et Kozets.

— Demain, nous serons en vue de la côte canadienne, remarqua Mariole en se frottant les mains.