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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

cosmopolite de Paris, de la mauvaise éducation des jeunes filles françaises, ne s’était aucunement étonnée des locutions bizarres, des gestes gamins, que Mlle Mariole ne réussissait pas toujours à arrêter au passage.

Ces fantaisies de tenue même avaient servi d’arguments à miss Topee, dans ses discussions avec la correcte Nelly, sa fille de chambre.

— Eh bien, ma chère, vous êtes rêveuse comme une fleur de crépuscule.

— C’est ce temps gris, sans doute, qui influe sur moi.

— Étrange !

— Quoi vous place ce mot sur les lèvres ?

— C’est que vous venez de répéter identiquement ce que m’a déclaré Son Altesse, en se retirant dans sa cabine.

— Ah ! lui aussi.

Et de nouveau les paupières de l’Américaine s’abaissèrent ; ce qui l’empêcha de remarquer le fin sourire voltigeant sur les lèvres roses de la modiste.

— Ah ! si je ne craignais de vous mécontenter, ma chère gracieuse Laura…

— Que feriez-vous ?

— Je vous dirais ce qu’il m’a semblé distinguer…

— À quel sujet ?

— N’insistez pas. Le sujet est trop délicat.

Refuser de parler a, de tout temps, été le meilleur moyen d’exaspérer la curiosité d’un interlocuteur, et surtout d’une interlocutrice.

L’effet se produisit aussitôt.

Laura devint très attentive, et, avec une pointe d’impatience :

— Il me semble que la fille du général comte Mariole peut tout dire à Laura Topee…

— Il vous semble… superficiellement, très chère, fit malicieusement Tiennette.

— Ou bien votre amitié ne serait pas droite et vraie.

— Pardon, elle est cela.

— Alors ?

— Alors, je ne veux pas que vous doutiez de moi ; mais… je tiens à être sûre de votre discrétion.

— Oh ! soyez certaine…

— C’est que, continua l’ouvrière avec un merveilleux aplomb, vous n’êtes pas accoutumée aux embûches des cours… Un mot redit légèrement pourrait avoir les plus funestes conséquences ; pour moi, ce ne serait rien, mais