— C’est vrai.
Nelly avait pâli. Toute sa personne trahissait un terrible émoi. Avec une imperceptible nuance de raillerie, Tiennette poursuivit :
— Voilà pourquoi je suis venue à vous, ma bonne Nelly. J’estime que pareils bouleversements doivent être évités… et si vous voulez m’aider ?…
— Oh ! avec le plus profond de mon cœur.
— Je vous remercie… d’autant plus que les conseils d’une personne, aussi ferrée sur les convenances, doivent être écoutés avec une faveur, que ne rencontreraient pas les appréciations d’une écervelée comme moi.
— Oh ! miss générale comtesse, protesta la camériste, vous calomniez votre personnage.
Mais l’éclat de ses yeux, la satisfaction répandue sur tout son être disaient le contentement extrême qu’elle éprouvait à se voir si justement appréciée par l’amie de sa jeune maîtresse.
— Enfin, disposez de moi. Je serai trop heureuse de contribuer, selon mes faibles moyens, à éviter un malheur.
Était-ce bien la charité qui transformait ainsi la soubrette si gourmée, si raide à l’ordinaire ? Tiennette avait été sans doute fixée sur ce point, par Dodekhan, car elle poursuivit tranquillement :
— Donc, meurtre ; conséquence : électrocution.
De nouveau, Nelly frissonna comme feuille à la brise.
— N’est-il pas possible de trouver quelque chose de moins dramatique pour sortir de l’impasse ?
— Oh ! j’espère que vous répondrez par l’affirmative, miss générale comtesse ?
— La question posée ainsi, continua Tiennette d’un ton pénétré, j’ai cherché longtemps…
— Sans trouver ?…
— Ne vous bouleversez pas, charitable Nelly, je crois avoir trouvé…
— Et ce moyen est ?…
— Écoutez-moi. Je dois d’abord vous dire que mon père et moi sommes tout à fait opposés à un mariage comme celui de Son Altesse avec une personne telle que miss Topee.
— Yes… Elle est trop mal élevée, fit Nelly avec une conviction profonde.
Sans sourciller, la modiste reprit :
— Oui, il y a cela d’abord, et puis ensuite autre chose. Son Altesse a des devoirs qu’elle tient de sa race et auxquels elle manquerait en se mésalliant.