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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

Une larme tremblota au bout des cils de Dodekhan ; il la fit sauter d’une pichenette et d’un accent attendri :

— Merci pour mon père, madame…… À présent, je commence à entrevoir la vérité. Laissez-moi vous prier de me tout apprendre. Dès cet instant, je vous le jure, je me consacrerai avant toute chose à l’œuvre de justice léguée par Dilevnor ; mais pour triompher, je ne dois rien ignorer.

Elle inclina la tête.

— Louise-Albertine n’a point de secrets pour Dilevnor.

Et lentement, s’arrêtant comme si la respiration lui manquait, reprenant, après une aspiration profonde, la mourante parla :

— Mon père était le fils aîné du duc d’Armaris, dont le vaste domaine englobait plusieurs communes du département français de l’Isère. Mon père, après de solides études à Paris, était rentré au logis familial et partageait son temps entre des recherches scientifiques et l’exploitation du domaine. Il avait épousé une jeune fille sans fortune, mais belle comme la beauté, bonne comme la bonté. Ils s’aimaient, et s’efforçaient à se faire aimer des autres.

Le duc, autour duquel on se réunissait chaque soir, adorait son fils aîné et souvent il disait avec tristesse :

— Pourquoi ai-je deux fils. ?… L’autre aurait bien pu rester dans les limbes. L’autre, de son prénom Hector, donnait en effet bien du tourment à sa famille.

Léger, égoïste et faux, il s’était livré, à Paris d’abord, puisa Londres où il s’était réfugié après une aventure où son honneur avait failli tomber, il s’était livré à une véritable folie de dissipation. Il y avait englouti la part d’héritage de sa mère, défunte heureusement pour elle. Puis pour le tirer de mauvais pas, le duc avait dû, à plusieurs reprises, se condamner à de lourds sacrifices d’argent, de telle sorte qu’Hector, du vivant même de son père, avait dilapidé à peu près tout ce qui aurait pu lui revenir un jour.

De loin en loin, il faisait une courte apparition au château. Alors, la demeure si paisible, si tendre, s’emplissait de tumulte, d’éclats de voix irritées. J’avais peur et ne me rassurais qu’en apprenant le départ de « mon oncle Hector » qui retournait à ses folies, après avoir extorqué de haute lutte quelques subsides à mon grand-père.

Après cela, pendant deux ou trois jours, le duc gourmandait un peu père, lui disant :

— Tu as tort. Le gaillard a mangé son blé en herbe. Ce que tu m’as arraché par ton insistance est pris sur ta part, sur celle de ta Louisette.