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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

cavalier et coursier vinrent heurter l’ours si rudement que les divers adversaires roulèrent pêle-mêle sur le sol.

Laura jeta un appel éperdu, rauque, étranglé.

Rien ne répondit.

Mais déjà Albert se relevait, le fusil au poing.

L’ours, surpris, s’était redressé de son côté. Il secouait la tête de droite à gauche en grognant avec rage.

Un instant il hésita.

Sur qui fondrait-il ? Sur l’Américaine, sur le Français ?

Cet instant d’indécision permit à ce dernier de s’affermir sur ses jambes, d’appuyer la crosse à l’épaule.

Et quand le carnassier se mit en mouvement, Albert lâcha nerveusement, presque à bout portant, les quatre coups qui lui restaient dans le corps du féroce plantigrade.

À la dernière balle, explosive on s’en souvient, des jets de sang fusèrent des narines, de la gueule du carnassier.

Il chancela sur ses pattes velues… déchira le sol, usant ses dernières forces à retarder sa chute, puis enfin, vaincu, il roula en travers du sentier, sa tête puissante venant presque battre les pieds de Laura anéantie.

Mais déjà Prince était auprès d’elle, il l’entraînait à distance du monstre.

Il l’avait prise dans ses bras, comme pour la protéger contre le monde entier.

Frissonnante d’une émotion inconnue, la voix fêlée pour ainsi dire par les pulsations précipitées de son cœur, Laura balbutia :

— Vous auriez donné votre existence pour moi ?…

En l’entendant il fut près de sangloter, mais il se contint et put bégayer :

— C’est ce que je souhaite depuis que je vous connais.

Elle eut un cri, sa tête se renversa sur l’épaule de son sauveur, et dans une détente de tout son être, des larmes de bonheur coulèrent de ses yeux doucement.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Ohé ! ohé !

Ces appels retentissent à peu de distance.

Sur un signe de Laura, Albert répond seulement :

— Ohé ! par ici.

Il y a des piétinements de sabots sur la sente rocheuse, des froissements de branchages, puis des chasseurs, Topee et Mariole en tête, apparaissent.

Ils s’arrêtent étonnés devant le tableau qui s’offre à leurs yeux.