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LE PRINCE VIRGULE.

À l’endroit où s’élevaient naguère les baraquements des forçats, il ne restait rien que quelques pieux à demi consumés et un sol noirci. L’incendie avait passé par là.

Toute émue, Mona s’était arrêtée sur un tertre dominant de quelques pieds le vallon d’Aousa. Ses yeux erraient sur ce spectacle de désolation.

À ce moment, un cosaque s’approcha de Jorda, restée au pied de l’éminence.

La servante le salua d’un petit signe de tête.

Il répondit de même et se rapprocha encore.

Il frôla presque la domestique au passage, puis continua sa route, sans qu’un mot eût été échangé. Seulement les mains de l’homme et de la femme jaune s’étaient furtivement serrées.

Il disparut bientôt derrière un bouquet d’arbres.

Là, un autre personnage vêtu en bouriate (indigène de la région) semblait attendre.

— Eh bien ? fit celui-ci.

— Vu Jorda, répondit laconiquement le cosaque.

— T’a-t-elle remis le laissez-passer ?

— Oui, le voici.

Le soldat russe tendit au Bouriate le papier précieux.

— Elle a donc réussi à le dérober à la jeune fille ?

— C’est sûr. Jorda d’ailleurs fait ce qu’elle veut. Or, il fallait que la petite Excellence fût privée de cela.

— Enfin, c’est fait. Quand le Maître doit-il être parmi nous ?

— Demain se terminent les six mois qu’il a indiqués.

— Demain…

— Que t’importe d’ailleurs ?

— Il m’importe beaucoup. Je vais au camp japonais, et il ne faut pas qu’ils attaquent avant l’heure fixée.

— Bah ! les Russes ne peuvent résister.

— C’est pour cela.

Et le cosaque considérant son interlocuteur d’un air ahuri, celui-ci haussa les épaules et ricana :

— Tu n’as pas besoin de comprendre. Retourne parmi les tiens, et dors tranquillement cette nuit. Vous ne serez attaqués que demain.

Cependant Mona, ayant rempli ses regards du tableau de désolation étendu à ses pieds, avait descendu la pente, et rejoignant Jorda, l’entraînait vers l’ancienne infirmerie du pénitencier, cachée au fond du ravin d’Aousa.

À son esprit se représentait la promenade de nuit, effectuée six mois plus