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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

Le général rompt le cachet d’une main hésitante ; puis, le Nippon auprès de lui, il lit lentement à haute voix :

« À bord du croiseur Ossiouma.

« Général, votre valeur m’eût fait incliner à vous accorder la capitulation la plus honorable. Malheureusement, durant la guerre, plusieurs détachements japonais, surpris par les troupes russes, se sont vus refuser toute satisfaction de ce genre.

« Mon souverain a dès lors interdit à ses soldats tout acte de courtoisie qui, n’étant pas payé de retour, pourrait, être taxé de faiblesse.

« Je vous refuse donc, à mon grand regret, les honneurs de la guerre.

« Toutefois, et afin de vous démontrer mon bon vouloir, mon désir sincère d’épargner cette poignée de braves que vous commandez, je vous donne jusqu’à demain pour prendre une décision.

« Je vous prie, en mon nom personnel, de ne pas persister dans une résistance complètement inutile. Vous avez fait le possible ; votre mort, qui affligerait vos adversaires eux-mêmes, n’ajouterait rien à leur admiration.

« Recevez, général, l’expression émue de ma très haute considération.

« Signé : Togo fils. »

Un grand silence suivit cette lecture.

Enfin, l’officier nippon murmura :

— Vous avez vingt-quatre heures, mon général.

Labianov haussa les épaules.

— À quoi bon ! Dans vingt-quatre heures, je penserai exactement comme à présent.

Le Nippon eut un sourire mélancolique.

— Qui sait, mon général ? Les Japonais de Kiou-Siou ont un dicton :

Aujourd’hui, le ciel est de cendre grise, demain il est de tissu d’or. Qui sait ?

Puis Labianov secouant obstinément la tête, il continua :

— Je dois, en tous cas, me plier aux ordres du commandant en chef. Donc, mon général, notre armistice se trouve prolongé d’un jour. Et comme, durant une suspension d’armes, aucun règlement n’interdit aux belligérants de se rendre de bons offices, vous me permettrez de vous faire tenir des vivres pour vous et vos soldats.