— Gagné une discrétion, général.
— Oui… C’est ainsi que vous vous êtes exprimé.
— Alors, général Stanislas Labianov, je viens de vous faire obtenir les honneurs de la guerre ; je vous demande de venir, avec vos soldats, rendre les honneurs à une victime, à une martyre.
— Qui donc ?
— La « Française »… dont le fils, retrouvé par moi, nous attend au cimetière du pénitencier d’Aousa.
Sur les traits du gouverneur se marqua une imperceptible hésitation ; mais il la repoussa et d’un ton calme :
— Cela est juste, il sera fait ainsi que vous le souhaitez…
Une tombe garnie de fleurs, sur laquelle une croix étend ses bras portant ces mots :
Priez pour la martyre.
On s’est battu dans la nécropole. Les tombes voisines sont ravagées, piétinées, les croix sont brisées. Seule, la sépulture de la « Française » n’a pas souffert.
Et comme Albert, Laura, que suivent Tiennette et Kozets, s’en étonnent, Dodekhan leur répond seulement :
— Je veillais sur elle.
Il se tait. Des pas cadencés sonnent sur la terre ; c’est le petit détachement russe, conduit par Labianov, qui arrive au funèbre rendez-vous.
La troupe présente les armes ; le drapeau s’incline sur la tombe ; le gouverneur salue du sabre.
Et soudain, Mona, qui a suivi, appuie sa main sur le bras du Turkmène.
Le visage de la jeune fille est bouleversé ; dans ses yeux il y a des larmes.
Elle demande sur le ton de la prière :
— Qui êtes-vous donc ?
Il la regarde à son tour et d’une voix tremblante :
— Je suis un Devoir.
Et plus bas :
— Oubliez, enfant. Vous serez heureuse, vous. Oubliez que vous avez rencontré le Maître du Drapeau Bleu, Dilevnor le Justicier.