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MISS MOUSQUETERR.

de voyage enfoncée sur les yeux, un long cache-poussière gris qui flotte autour de lui.

Le romancier ressent un choc. Il lui semble retrouver la silhouette du chef des Masques d’Ambre en sa longue blouse blanche ; il croit voir le retardataire couler vers lui un regard sournois.

Tout cela a la durée d’un éclair. L’homme s’engouffre dans un compartiment, deux voitures en arrière de celle qu’occupe l’écrivain ; le sifflet de la locomotive ébranle l’air ; dans un bruit de ferraille le train démarre lentement. On part, on est parti. Et Max se laisse retomber sur les coussins en murmurant :

— Il a attendu le dernier moment pour se montrer, mais je l’ai reconnu. Maintenant, je sais à qui j’ai affaire.

Dans la nuit, le convoi file remplissant la campagne de son halètement, franchissant les feux rouges des disques qui semblent les yeux de géants surveillant sa marche.

Puis un arrêt. Dans une station morne, endormie, les agents courent le long de la rame de voitures. Max s’est précipité à la portière.

Parfait ! Il ne s’est pas trompé. L’homme au cache-poussière gris est aussi accoudé à l’ouverture de son wagon. Il regarde sur le quai. Pas difficile de se rendre compte de son occupation. Il surveille le romancier ; il s’assure que le Parisien ne quitte pas le train. Une secousse. L’on se remet en marche.

Seconde station… De nouveau le cache-poussière gris apparaît à la portière.

— Aix ! Aix !

Avec un roulement de tonnerre, le convoi pénètre dans la gare de la coquette cité provençale ; à peine a-t-il stoppé, qu’un nouveau fracas retentit.

C’est le train de sens inverse qui arrive se dirigeant sur Marseille.

Les deux trains sont arrêtés sur deux voies parallèles.

L’instant est venu de mettre le plan à exécution. Max lance un coup d’œil du côté du quai sur lequel s’agite la foule des voyageurs rentrant du chef-lieu. Le cache-poussière gris est à la portière, dévisageant évidemment tous ceux qui descendent du train :

— Allons, hop !

Sur ces mots d’encouragement, le romancier traverse son compartiment, ouvre la portière à contrevoie, après s’être assuré qu’aucun agent ne circule entre les deux trains immobiles. D’un marchepied, il passe sur celui d’en face, ouvre la portière qui lui fait vis-à-vis, et disparaît dans le train