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MISS MOUSQUETERR.

Et avec une rage soudaine :

— Ce n’est pas moi qui ai expédié ceci.

— Qui donc en ce cas ?

Il l’enveloppa d’un regard extrêmement troublé, puis avec un accent où se mêlaient l’irritation et l’anxiété :

— Cela doit venir d’Eux.

Eux ; une soudaine pâleur couvrit les joues de la jeune fille. Le pronom la bouleversait.

Eux, c’étaient les Masques Jaunes, les ennemis mystérieux, insaisissables, contre lesquels elle luttait, depuis quelques jours.

Pourquoi l’avaient-ils attirée dans cette petite ville de Bohême ? Quels desseins servait cette manœuvre ?

Elle avait l’impression qu’un malheur planait sur elle, sur Max ; sur ce Français, dont elle ignorait l’existence un mois plus tôt, et qui, maintenant, elle se l’avouait tout bas, avait pris une si grande place dans sa vie. Instinctivement, elle crispa sa main fine sur le bras de son interlocuteur.

— Enfin, je les remercie. Ils nous ont réunis.

— Hélas, soupira Max.

— Et dorénavant, continua Violet, dédaignant de remarquer l’interruption désolée. Dorénavant, je ne consentirai plus à la séparation.

Il frissonna :

— Que voulez-vous dire ?

— Que maintenant, je ne quitterai plus votre côté. Je serai la compagne

Elle s’arrêta une minute, rougit, puis continua en pressant son débit :

— La compagne de voyage. Car vous ne renoncez pas, j’imagine ?

— Seul, je ne renoncerais pas. Mais vous entraîner, vous, dans une entreprise fâcheuse.

Miss Violet l’interrompit.

— Oh ! tenez votre langue plutôt que de dire des folies.

— J’exprime la fâcheuse vérité.

— Non, pas du tout. Le plus dangereux de tout, c’est l’ennui. Je suis guérie de cela depuis cette affaire. En continuant, je pare aux rechutes. Et puis, et puis…

Elle marqua une pause. Ses grands yeux clairs se voilèrent.

— Et puis ? interrogea le romancier.

— Et puis, à la fin du chemin, il me semble que je rencontrerai le bonheur.