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Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/164

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LES ASSOIFFÉS DE LUMIÈRE.

liers offraient le type slave le plus pur. Elle était belle et apaisée comme les Madones des icônes, comme les vierges des Saintes Images russes. Son corps, abandonné dans la pose instinctive du sommeil, se laissait deviner svelte et vigoureux.

Un instant, son compagnon la considéra, puis il eut un geste de résolution et se leva.

Il offrait avec la dormeuse un contraste frappant. Brun de cheveux, le visage irrégulier mais charmant, les yeux noirs, trop petits, mais si vifs, si pétillants, qu’ils semblaient démesurément agrandis par leur mouvement, le personnage se montrait de taille peu élevée. Son corps se mouvait à l’aise dans une blouse de chasse à ceinture lâche ; autour de ses jambes flottait un pantalon bouffant, serré à la cheville.

Mais deux étrangetés appelaient l’attention : Les pieds, mignons, cambrés, aristocratiques, trop jolis pour des pieds de garçon ; sa coiffure, un béret qui emprisonnait la nuque et le sommet du crâne, ne laissant apercevoir que sur le front, des cheveux bruns, frisés, qui, eux aussi, affectaient un je ne sais quoi de singulier chez un représentant du sexe fort.

Il s’approcha de la fenêtre, frotta les vitres embuées de poussière et jeta un coup d’œil au dehors.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? fit-il encore.

Et parlant sans en avoir conscience, comme s’il pensait tout haut :

— C’est de la fantasmagorie ! Je n’ai pas perdu la tête, moi ! — Il coula un regard vers la dormeuse. — Ce n’est pas comme ma douce Mona. Je me souviens parfaitement m’être endormi à l’hôtel de l’Indépendance, à Lemberg, au beau milieu de la ville, avec la cathédrale comme vis-à-vis ; et je me réveille dans une chaumière, en pleine campagne !

C’était vrai. Au dehors s’étendait à perte de vue une plaine grise, uniforme, baignée d’une brume transparente et bleutée. De loin en loin, des groupes d’arbres clairsemés rompaient seuls la monotonie du tableau.

Il y avait une mélancolie, une indifférence pourrait-on dire, dans ce paysage partout semblable à lui-même.

Le jeune garçon demeura un instant immobile, un pli barrant son front blanc, ses yeux noirs exprimant l’effort de la pensée.

— C’est incompréhensible, murmura-t-il enfin.

Puis avec un haussement d’épaules :

— Enfin, une maison suppose des habitants. Ils me diront comment, nous sommes arrivés ici.

Et d’un pas décidé, il alla vers la porte.