La duchesse prononce :
— Ah ! pourquoi ces misérables veulent-ils nous empêcher de marcher vers l’Orient.
Elle se tait. Ses compagnons demeurent muets, retenant leur haleine, stupéfaits de l’effet produit par ces simples paroles.
La jeune Russe s’est brusquement tournée vers son amie. Ses traits expriment maintenant l’intelligence ; ses regards sont vifs, assurés. Elle prend la main de la Parisienne, et interroge :
— Qui donc s’oppose à notre marche vers l’Orient ?
— Des hommes qui veillent à la porte.
Et entraînant la pauvre enfant, démente raisonnable, vers la fenêtre elle lui montre le môle de la Quarantaine, le vapeur Bakou.
— Cette nuit, ce navire quitte le port. Il se dirige vers l’Orient, l’Inde.
Des cabines pour nous sont réservées à bord.
— Eh bien, partons.
Tout l’être de la démente semble illuminé par l’idée du départ. Mais la duchesse répond tristement :
— Impossible. Nos gardiens.
— Ah ! oui, les hommes qui sont à la porte de la maison.
Pour tous, une stupeur. L’insensée cambre sa taille souple dans un accès d’hilarité. Elle prononce enfin :
— La lumière triomphe des volontés. Ceux qui se placent sur son chemin sont des êtres d’ombre, vaincus par avance.
Et, d’un accent de commandement, semblant chercher autour d’elle :
— Où sont donc mes armes de clarté ?
C’est la caisse aux tubes qu’elle réclame. Tous le comprennent. Est-ce que la folle va faire ce qu’eux, doués déraison, considéraient comme impossible.
— Dans une pièce voisine, murmure Sara dont la voix tremble d’espoir.
— Alors, viens.
Mona a saisi la main de sa compagne de douleur. Elle l’entraîne. Elle sort avec elle. Violet, dont la figure exprime une attente anxieuse, montre la porte :
— Allez, allez, M. Max, je vous en prie.
Il ne résiste pas. Il bondit dans le couloir, atteint la chambre affectée à la jeune Russe. La porte en est ouverte. Mona agenouillée devant la caisse aux tubes, en choisit plusieurs dans les cases numérotées de trois à douze… Puis, elle se relève.
— Avec cela, nous passerons.