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MISS MOUSQUETERR.

Certes oui, Varloff, ses subordonnés écument de rage ; ils ont repris possession d’eux-mêmes, ils se sont regardés avec stupéfaction. Qu’est-ce qu’ils font là, au bout du môle de la Quarantaine ? Un mousse qui a été intrigué par les radiations orangées, qui a suivi la petite troupe jusque-là, leur dit ce qu’il a vu.

Alors, il n’y a plus de doute. Les voyageurs les ont joués. Ils poussent des hurlements, ordonnant au navire de rentrer au port. Peine inutile. Le Bakou est trop loin, la voix n’y arrive plus que comme un bruit vain.

Tous ont laissé leurs armes à l’hôtel de Saint-Pétersbourg ; sans cela, ils feraient feu dans les ténèbres, au hasard, pour passer leur colère sur quelque chose. Et cette consolation leur étant refusée, ils s’invectivent, s’accusent réciproquement. La discussion s’aigrit, s’échauffe, toujours à la grande joie du mousse qui excite les hommes, rassemblés là, lui semble-t-il, uniquement pour lui donner la comédie.

Et l’aventure se termine par un pugilat homérique, dont les causes ne furent jamais bien expliquées au Comité Central révolutionnaire d’Odessa.

L’affection de Max s’était trompée. Le départ d’Odessa n’avait point apaisé la fièvre de miss Violet Mousqueterr.

C’est que le mal avait des causes profondes. Tout d’abord, la cautérisation lumineuse opérée par Mona avait vaincu l’élévation de température, consécutive d’une blessure et de la perte du sang.

Il est probable que la jeune Anglaise, si elle n’avait point eu à subir ensuite des secousses, des émotions, des déplacements répétés, aurait connu les joies de la convalescence rapide.

Par malheur, trop d’incidents fâcheux s’étaient répercutés sur son organisme affaibli.

À bord du Bakou, la fièvre s’accentua. La traversée de la mer de Marmara, de l’Archipel, de la Méditerranée, du canal de Suez furent pénibles, avec des alternances d’abaissements et de reprises de température.

Max et Sara se relayaient à son chevet. Le jeune homme mourait à petit feu. L’anxiété le dévorait. Ses joues creusées, ses paupières meurtries, disaient son désespoir.

Mais une fois engagé dans la mer Rouge, ce couloir liquide entre deux déserts, la tristesse du Parisien devint de l’épouvante.

Quiconque a fait le voyage d’Europe en Extrême-Orient, sait que la partie la plus pénible est la traversée de la mer Rouge. C’est là que rendent l’âme, les anémiés, les affaiblis par le séjour des colonies, qui, à quelques jours de navigation de la terre natale, se croyaient sauvés.