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LES ASSOIFFÉS DE LUMIÈRE.

La sauver, elle, et mourir pour conserver l’honneur à Dodekhan, à ce généreux Maître du Drapeau Bleu qui les avait protégés de tout son pouvoir.

Et elle revenait en ce pays maudit. Une force mystérieuse l’y avait appelée. Oui. Elle voulait découvrir la tombe de son mari. La tombe ! Néant où la sentimentalité humaine s’obstine à voir quelque chose.

À présent, l’automobile descendait des pentes douces. Au-dessous d’eux, les voyageurs distinguaient une large vallée coupée de cultures et de pâturages, et au loin, éclairées obliquement par le soleil descendant vers l’horizon, des collines rougeâtres, avec toujours, à l’Est, la ligne sombre de la forêt.

La plaine fut traversée, la seconde rangée de coteaux fut franchie.

— Maintenant, Madame, prononça Max qui tira ainsi la duchesse de sa rêverie, nous allons marcher parallèlement à ces mouvements du terrain, je vous demande d’accorder toute votre attention au paysage, nous entrons dans la région où votre… mémoire peut nous faire gagner un temps précieux.

Elle promit d’un signe. Et chassant courageusement ses pensées tristes, elle se contraignit à l’observation unique de ce qui l’entourait.

La voiture électrique roulait sans bruit sur un chemin de traverse, épousant étroitement la direction des collines.

Bientôt, les pentes se couvrirent de buissons, de bouquets d’arbres isolés, sentinelles avancées de l’armée forestière des arbres. Puis, les troncs aux panaches de verdure se montrèrent plus serrés ; sous le dôme des feuillages régna la pénombre bleutée des sous bois. Les voyageurs côtoyaient la forêt.

De loin en loin, un chemin, sentier de raccourci, percée d’exploitation, se détachait de la route suivie pour se perdre sous les arbres. Max saisissait alors le levier de réglage. Il ralentissait l’allure de l’appareil. Mais Sara secouait la tête, et l’auto reprenait sa marche rapide.

Cela dura, longtemps ; la route s’éloignait insensiblement de la lisière des bois, tendant peu à peu à redresser son tracé vers le Nord. Elle se bordait de hautes végétations, qui masquaient la bande de terrain comprise entre elles et le pied des collines.

À présent, quand un chemin transversal se présentait, Max devait y engager la voiture, parcourir quelques centaines de mètres, et revenir sur ses pas en constatant l’absence des points de repère indiqués naguère par la duchesse.

Et de plus en plus, la route s’infléchissait vers le Nord.