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Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/288

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LES ASSOIFFEÉ DE LUMIÈRE.

C’est ainsi que le même jour, vers trois heures, au moment de la marée qui se fait sentir bien en amont de Calcutta, un joli steamer de huit cents tonneaux le Mabel s’éloigna du quai du Commerce, prit le milieu du courant de l’Hougly et cingla vers la mer.

Sur le pont, Mona et la duchesse se tenaient à l’écart. Elles ne pouvaient dissimuler la joie qui chantait en elles, et elles sentaient qu’en la montrant elles auraient redoublé la tristesse de Max et de Miss Violet.

À l’arrière, sir John Lobster se tenait seul. De la place choisie par lui, il apercevait les deux jeunes gens accoudés à quelque distance sur le bastingage. Fort de la promesse de Miss Violet, il souriait en les regardant. Peut-être eût-il été moins satisfait s’il avait pu, en ce moment même, distinguer le visage du romancier.

La physionomie du jeune homme s’était brusquement éclairée. Un sourire ironique et volontaire distendait ses lèvres.

— Violet, fit-il doucement. Vous avez bien promis d’épouser sir John dès votre retour en Angleterre ?

— C’est cela, répondit-elle surprise de la question, surprise du ton dont elle avait été prononcée.

— Et vous estimez que lui seul peut vous délier de cet engagement ?

— J’estime, je crois, une chose désolante, mais droite.

— Eh bien, souriez-moi, chère Violet, je crois qu’il vous rendra votre liberté.

Et comme elle s’étonnait.

— Ne m’interrogez pas, je vous en prie. Il faut que vous restiez en dehors ; sans cela vous seriez ma complice, et il ne le faut pas pour la droiture de notre pensée ; seulement, exaucez une prière.

— Une prière, répéta-t-elle tout bas.

— Oui, dites-moi que vous faites des vœux pour que je réussisse.

— Oh ! vous le savez bien, ami !

Et le Mabel, accélérait sa vitesse. Il débouchait de l’estuaire sablonneux de l’Hougly. Son étrave effilée tranchait les flots du golfe du Bengale.