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Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/294

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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

alliée, qui, debout auprès d’une table sur laquelle s’étalait une carte de l’Asie centrale, expliquaient, ce que l’Europe attendait de ses fils rassemblés en ce lieu.

Le commandant des forces russes avait nom Stanislas Labianov.

Le généralissime anglais portait dignement le nom respecté d’Aberleen.

Le premier, grand, robuste, le teint coloré, montrait un visage énergique, assombri par une teinte de mélancolie.

Durant plusieurs mois, il avait disparu, puis soudainement, il s’était présenté à la Cour de Saint-Pétersbourg refusant de donner aucune explication sur son absence. Aux questionneurs, il répondait invariablement :

— Certaines paroles tuent plus sûrement qu’une épée. Je ne veux pas prononcer ces paroles.

De guerre lasse, on se l’était tenu pour dit ; mais on avait remarqué que les cheveux, les favoris du général, naguère grisonnants, étaient devenus complètement blancs durant sa disparition.

Lord Aberleen, lui, présentait le type accompli de l’Anglais distingué.

De haute taille, sec sans être maigre, la figure caractérisée, il marquait à son collègue slave une déférence voulue, semblant rendre hommage à une souffrance ignorée de tous, ignorée de lui-même sans doute, mais que son regard gris, inquisiteur et perçant, avait peut-être devinée dans l’âme fermée de Stanislas Labianov.

Le Russe parlait, l’index pointé vers la carte, désignant les régions dont il entretenait les auditeurs.

— Messieurs, disait-il, des bandits, soucieux de se dérober aux représailles, ne pouvaient choisir repaire plus sûr que les monts Thian-Chan, que nous dénommons Célestes. Voyez, entre le lac Balkhach, dont nous occupons actuellement la rive orientale, et les hauteurs dont il s’agit, s’étendent cent kilomètres de montagnes enchevêtrées, de passes difficiles, sans arbres, presque sans eau. Et cependant, c’est la route que suivra notre colonne, car elle est de beaucoup la plus aisée.

Un léger murmure approbatif ponctua la phrase. Lord Aberleen appuya du geste les affirmations de son collègue.

— J’ai dit la plus aisée, reprit ce dernier ; un simple regard sur la carte vous démontrera que nul doute ne saurait exister à cet égard. À l’Est, en plein empire chinois, le désert aride du Gobi oppose à toute armée l’obstacle de sa lande stérile, plus de deux cents kilomètres privés d’eau. Je ne parle pas des difficultés qui viendraient des Célestiaux, lesquels, étant