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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

éclatés, aux arêtes crûment éclairées par la lune, donnant elle-même l’impression d’un disque glacé, palet monstrueux décrivant sa trajectoire infinie.

À quelques mètres de l’abri des voyageurs, une tente plus petite servait de refuge aux quatre indigènes, guide et conducteurs des yaks (bœufs à longs poils), bêtes de somme des hauts plateaux, porteurs des provisions et impedimenta.

De temps à autre, un des habitants de la grande tente prononçait quelques paroles, moins pour exprimer une idée, que pour jeter un murmure de vie dans cette nuit muette et sépulcrale.

Ainsi, la gentille Anglaise venait de parler.

Max se passa la main sur le front comme pour chasser une pensée douloureuse, et sans répondre directement à la question qu’on venait de lui adresser, avec un regard expressif à l’adresse de la jeune fille, prononça d’un ton ferme :

— Dormons. Soyons ménagers de nos forces, car nous ignorons quelles fatigues nous réserve demain.

Obéissante, elle ferma les yeux. Sous la tente de feutre, on ne perçut plus que la respiration des voyageurs, dominée de temps à autre par le crépitement du foyer…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Ich ! Evo !… Yachini ! Evo ! Evo !

Tous se réveillent en sursaut. Ils se dressent, étirent leurs membres engourdis.

Les cris des conducteurs de yaks annoncent le jour, la mise en marche prochaine. Car les serviteurs parlent ainsi aux bœufs des hauts plateaux tandis qu’ils les harnachent, qu’ils assujettissent sur leur échine robuste les bagages des voyageurs.

Une fumée odorante emplit la tente. C’est le thé bouillant que le guide apporte, le thé qui chassera le frisson matinal.

Ce guide est un grand garçon sec, anguleux, taciturne, à la face brune trouée par des yeux noirs.

— Quel temps ? interroge Sara.

— Sec, Syka (noble dame). Ciel pur et soleil.

La Parisienne sourit. Maintenant, à petites gorgées, chacun absorbe sa ration du breuvage parfumé, dont la chaleur les pénètre, assouplit leurs muscles. Puis, tous s’emmitouflent de leurs fourrures, ne laissant exposés à l’air que le bout du nez et les yeux.

Au bref appel du guide, les trois bouviers, robustes paysans de la mon-