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MISS MOUSQUETERR.

Personne n’a remarqué le sourire ironique qui a flotté une seconde sur les lèvres du guide. Il a été si bref, du reste, que l’on conçoit qu’il ait passé inaperçu.

Toutes les voix sont joyeuses ; l’espérance illumine les esprits. Un clappement de langue du guide donne le signal du départ. Les conducteurs de yaks encouragent les animaux par des onomatopées gutturales.

Les jeunes femmes dédaignent de se hisser sur leurs bœufs de selle. Elles marcheront. L’étape leur sera légère, car, au bout, elles trouveront une armée de défenseurs.

Cependant, la petite troupe marche depuis pas mal de temps déjà. Les pentes succèdent aux pentes. Autour des voyageurs des hauteurs se dressent, masquant l’horizon. Les ballons ont disparu. Aucun point de repère ne signale la présence de l’armée anglo-russe.

Le guide maintenant semble inquiet, hésitant. Il va de droite, de gauche, se hisse au sommet de rochers, interroge l’horizon, puis revient en tête de la caravane, une expression de mauvaise humeur creusant ses traits.

Parfois, il coule un regard sournois vers les Européens. On croirait qu’il se dépite de n’être point interrogé sur les motifs de son allure étrange.

Mais Sara converse avec Violet, Mona rêve ainsi que Max Soleil, et John Lobster mordille un cigare en pestant contre les pentes, contre le froid qui oblige à porter de lourdes fourrures, contre les fourrures sous lesquelles il étouffe. Enfin, le guide paraît prendre une décision. Il s’approche du romancier, l’air cauteleux, peiné.

— Seigneur, prononce-t-il la voix abaissée.

— Hein ? Qu’est-ce ? riposte Max brusquement tiré de sa rêverie.

Du geste, l’indigène le supplie de ne pas faire de bruit.

— Sahib ! Il ne faut pas inquiéter les nobles dames.

— Les inquiéter. Pourquoi ?

L’embarras du guide devient plus apparent.

— Seigneur, j’ai un aveu à te faire. Je ne reconnais plus ma route.

C’est dans un chuchotement que les mots parviennent aux oreilles du jeune homme. Non sans étonneraient, il considère son interlocuteur.

— Bon, reprend-il légèrement, dans pareil pays, cela peut advenir à tout le monde. Cherche ton chemin.

Leddin l’interrompt :

— Je le cherche depuis deux heures. Il faut que les Mauvais Esprits aient bouleversé la montagne, car je ne reconnais rien. Les pics qui nous entourent me sont inconnus.