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Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/362

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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

Mais San avait perçu les dix syllabes. Il couvrit le romancier d’un regard étrange :

— Ah ! tu comprends, toi…

Il ne put en dire davantage. Mona avait fait un pas en avant, la main tendue, son index touchant presque la poitrine du Graveur de Prières, et la figure rayonnante, une exaltation mystique auréolant son front pur, elle disait :

— Loués soient les Esprits du Bien ! Dodekhan est de nouveau Maître du Drapeau Bleu !

Le rugissement du tigre blessé donnerait à peine une idée du cri effroyable qui jaillit de la bouche du géant.

Il leva ses poings formidables. Un instant on eût pu croire qu’il allait broyer la jeune fille. Il n’en fut rien. Il se calma tout à coup ; un sourire féroce stria son visage de mille rides. Il se courba, amenant sa figure à hauteur de celle de Mona, puis lentement, d’un accent qui retentit dans le cerveau des assistants, ainsi qu’un glas funèbre :

— Oui, oui, un maître ; tu l’as dit, jeune fille ! Un maître ! Seulement, ce maître est prisonnier dans la Caverne des Machines. S’il en sort, je le déchirerai de mes propres mains.

Et ses traits s’assombrissant encore :

— J’aurais pu le laisser mourir de faim. Il ne l’a pas permis. Je veux, a-t-il dit, que l’on nous apporte chaque jour nos repas avec régularité. Sinon, je détruis le temple. Cela m’est égal, répondis-je, tu t’enseveliras sous ses ruines.

Alors, il se prit à rire.

— Je te poursuivrai de mes coups, toi et tes aides.

— Hors d’ici, je ne te crains plus.

— Tu as tort, car je réduirai en poussière, les restes de Log ; je bouleverserai son tombeau, j’en effacerai la trace.

Oh ! toucher à celui qui fut mon maître, ma raison de vivre. Une rage folle me secoua, je me ruai en avant ; mais l’obstacle électrique m’arrêta derechef, et me jeta sur le sol. Moi, moi, dont la vigueur est celle de cinq hommes ordinaires, j’étais terrassé, roulé par cette force incompréhensible, comme le fétu de paille qu’emporte la tourmente.

Et puis, une peur me prit. Est-ce que l’on sait jamais avec ces hommes de science ! J’avais vu déjà tant de choses merveilleuses que tout me semblait possible. J’eus peur pour le sépulcre de mon maître Log. Je cédai ; seulement, la nuit venue, je fis prendre le cercueil, déposé à l’arrivée dans la crypte du temple, un souterrain creusé dans le roc au-dessous de