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MISS MOUSQUETERR.

celui que mon âme a reconnu entre tous. Père, écoutez celui qui, de par la tendresse, est votre fils.

L’accent de cette prière impressionna les deux officiers généraux. Ils s’entre regardèrent, hésitants. Enfin, Aberleen, avec un geste vague, laissa tomber ces paroles :

— Et que conseille-t-il ?

Un cri de joie fusa entre les lèvres de la jeune fille. Sa voix se fit haletante, reproduisant les battements pressés de son cœur.

— Il vous demande de rester campés en ce lieu.

— Pourquoi ?

— Je l’ignore ; mais le luit seul que San a essayé de vous faire porter votre campement plus à l’Est, indique que Dodekhan compte contrecarrer ses projets. Il est au courant, lui, des intentions de l’ennemi. Il le vaincra.

Ce fut Aberleen qui répliqua :

— Je ne doute pas de la probabilité de vos affirmations, Mademoiselle. Mais veuillez un instant songer aux responsabilités qui pèsent sur nous. Quel accueil nos gouvernements réserveraient-ils à des officiers, venant leur dire : Je me suis tenu dans l’inaction, parce qu’un gentleman vraisemblablement bien intentionné m’a conseillé d’agir ainsi.

Elle ferma les yeux, atteinte en plein cœur par la logique indiscutable de la question.

— Vous ne répondez pas, Mademoiselle, reprit le lord. C’est donc que vous estimez comme nous, qu’à pareille déclaration, nos gouvernements répondraient par celle-ci : Nous vous avons confié des soldats, parce que nous avions foi en votre initiative, en vos talents militaires. En obéissant aussi facilement au premier venu, vous avez trahi notre confiance, vous avez trahi l’espoir de la nation tout entière.

— Alors, alors ? interrogea Mona frissonnante, incapable de prononcer un mot de plus.

— Alors, acheva Aberleen, nous devons, comme il nous a été enjoint, marcher vers l’Est. Si nous y rencontrons la mort, nous la rencontrerons en accomplissant tout notre devoir. La Russie et l’Angleterre citeront nos noms avec honneur.

— Père, supplia la jeune fille tendant les bras vers Labianov.

Mais celui-ci détourna la tête, et d’un ton ferme :

— Lord Aberleen a pleinement raison.

Éperdument, Mona se passa les mains sur le front, comme si elle avait tenté de chasser un brouillard soudainement épandu sur sa pensée.