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LES ASSOIFFÉS DE LUMIÈRE.

La surveillante était dans le ravissement. Jamais, au grand jamais, elle n’avait rencontré un étranger aussi prompt à saisir les explications.

Maintenant, elle faisait traverser le parc à M. Landroun afin de le conduire au pavillon des « bains », installation inédite, imaginée par le docteur Elleviousse, et dans laquelle les douches, les aspersions brutales des anciens hospices d’aliénés, étaient remplacées par des procédés de luxe, application humanitaire des joies offertes aux gens bien portants, par les bains turco-romains, hammams, pluies écossaises et autres douceurs hydrauliques, sans oublier les aspersions parfumées au gré du pensionnaire.

L’allée que suivaient les deux personnages traversait un rond-point spacieux, ombragé par des peupliers d’Italie, dits grisarts, aux troncs gris de fer, sur lesquels les nœuds des branches tombées traçaient des yeux géants.

Un banc de pierre était installé au pied d’un arbre superbe. En le voyant, Max marqua un imperceptible mouvement d’arrêt. Mme  Marroy le remarqua néanmoins, et remplie de prévenance pour un auditeur aussi bien disposé :

— Vous désirez vous asseoir ?

— Ma foi ! Je vous avouerai, Madame, que si ce n’était abuser…

— Pas du tout. Rien n’est fatigant, pour qui n’y est point accoutumé, comme une promenade parmi les fous.

— Fatigue n’est pas le mot propre. J’ai surtout besoin de remettre mes idées en ordre ; on se sent troublé en face de ces problèmes de la folie.

— Reposez-vous donc un moment, Monsieur.

Et très aimablement, la surveillante s’assit elle-même en disant :

— Vous le voyez, je ne me fais pas prier ; il est vrai que je ne suis plus toute jeune.

— Vous avez un grand fils, je crois vous l’avoir entendu dire.

— Mon Louis, dix-huit ans, Monsieur, la tête de plus que moi, et un bon cœur, et tout.

La mère, une fois lancée, ne se fût plus arrêtée. Le romancier coupa la phrase.

— Et que fait-il ?

— Il est chef de chantier aux huileries d’olives de Toumarenc, près Aix.

— Et il sait conduire un cheval.

La veuve considéra son interlocuteur avec étonnement. La réflexion, de toute évidence, lui apparaissait sans rapport avec la dernière phrase prononcée par elle.

— Oh ! bien sûr qu’il sait conduire. Vous pensez, un garçon instruit, bien élevé, ses patrons ont confiance en lui, et bien souvent on l’envoie