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LE TESTAMENT DU COUSIN RICHARD.

sa mission. C’est mon voisin de Baslett-Castle, sir Murlyton, que j’institue mon légataire universel, au lieu et place d’Armand Lavarède, si celui-ci n’accomplit pas rigoureusement la condition prescrite… »

— Comment moi ?… fit l’Anglais. Mais je connaissais à peine cet original et nous étions constamment en procès.

— « Sir Murlyton, reprit imperturbablement maître Panabert, est un homme à cheval sur ses droits. Dès que l’ennui me prenait, j’avais un différend avec lui, soit à propos d’un mur mitoyen, soit pour la rivière qui sépare nos parcs, soit pour la récolte des arbres qui bordent nos propriétés. Cela m’émoustillait et me rattachait à la vie fastidieuse.

« Par conséquent, sir Murlyton, à qui je crée un droit conditionnel à ma fortune, saura le faire valoir. Il est entendu qu’il perd tout droit à mon héritage s’il commet un acte de trahison envers ce pauvre Lavarède. Il doit le surveiller simplement et honnêtement.

« Mais j’avoue que ce n’est pas sans un malin plaisir que je vois d’avance mon beau cousin si dépensier inéluctablement déshérité. »

L’ironie de la phrase finale ne parvint même pas à dérider celui qui la prononçait. Mais cette lecture produisait des effets divers sur les auditeurs.

Lavarède souriait. Peut-être ce sourire était-il jaune, mais on n’en pouvait distinguer la couleur. Sir Murlyton restait aussi calme que s’il eût été en présence d’une tranche de rostbeaf. Miss Aurett, seule, était visiblement agitée. Elle rougit d’abord, elle pâlit ensuite. Ses regards se portèrent sur les deux hommes qui allaient faire cette chasse dont le gibier valait quatre millions. Ce fut elle qui parla la première.

— Mon père, dit-elle, vous ne pouvez pas spolier ce jeune homme qui n’est pas votre ennemi et qui vient de me sauver la vie.