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FRISCO

Les maisons luxueuses qui bordent ces voies sont construites en sapin rouge ; mais, revêtues d’un enduit spécial, elles donnent l’illusion de palais de marbre. Des voitures de toute espèce, des tramways, des omnibus se croisaient incessamment sur la chaussée, tandis que les piétons, affairés, se coudoyaient sur les trottoirs, et de la rue montait un bourdonnement fait de cris, de conversations, de roulements qui réjouissait délicieusement Armand. Ce bruit lui rappelait « son Paris ». Pourtant, il n’aurait pas été « du boulevard » si, en n’importe quel endroit du monde, il n’avait éprouvé le besoin de se déclarer à lui-même que « ça n’avait pas le même cachet ».

Des comparaisons, il passa aux souvenirs. Il revit la rue de Châteaudun où, pour la première fois, il s’était rencontré avec la charmante jeune fille qui l’accompagnait autour du monde. Tout à coup il fut tiré de sa rêverie.

Dans la chambre voisine occupée par Murlyton, les sonnettes électriques tintaient furieusement et des éclats de voix arrivaient jusqu’à Lavarède. Il fallait une chose grave pour que l’impassible Anglais en vint aux cris. Très intrigué, voire un peu inquiet, Armand courut à la porte du no 15. Elle était ouverte.

Au milieu de la chambre, Murlyton, la figure écarlate, brandissait une liasse de papiers. Aurett semblait chercher à le calmer.

À l’instant où le journaliste arrivait, un garçon d’hôtel se précipita dans la chambre.

— Master Tower, s’écria l’Anglais, dès qu’il l’aperçut, qu’il vienne de suite… tout de suite.

Le garçon effaré s’éloigna.

— Aoh ! poursuivit le gentleman, en faisant signe au Français d’entrer, je suis furieux… mes chèques, mes banknotes… tout papier blanc !…

— Pardon, vous dites ?

— Mon père a été volé, intervint Aurett. À la place du portefeuille, il n’a plus trouvé qu’une liasse de papier blanc.

— Yes, oui, parfaitement, volé, appuya Murlyton avec une colère croissante… et avec le portefeuille ma montre, mon rasoir, tout !…

M. Tower entra.

— On me dit que vous me demandez ?

— Monsieur, déclara l’Anglais en essayant de reprendre son calme, j’ai été volé… J’avais mon portefeuille en arrivant ici, vous avez pu le constater.

— En effet, vous en avez extrait la somme nécessaire au paiement de la huitaine.