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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

l’Atlantique, et n’avait pas encore trébuché, quelles qu’eussent été les difficultés soulevées.

Sir Murlyton se plaisait à le reconnaître. Mais, tenace comme ceux de sa nation, et sachant bien la force de l’argent, appréciant par conséquent la faiblesse de ceux qui n’en ont pas, il attendait patiemment le premier accroc fait aux conditions du testament pour le constater aussitôt et faire valoir alors son droit aux quatre millions.

Le 4 avril, la Lorraine se trouva en vue de Flora, la première des îles où font escale les paquebots-poste français de la Compagnie générale transatlantique ; mais elle ne s’y arrêtait que par exception, le voyageur que l’on y devait prendre étant gouverneur de district, haut fonctionnaire d’un État de l’Amérique centrale. C’est ce que le second apprit à Armand, qui lui demandait combien de temps on allait stopper là.

— Ces merveilleux coins de terre, dit le Français à miss Aurett, sont des plus beaux qui soient au monde, des plus beaux et des meilleurs ; par un privilège exceptionnel, l’archipel des Autours, en portugais Açor, n’a pas d’animaux venimeux ; une légende locale veut même qu’ils ne puissent pas s’y acclimater. Mais, comme dit le géographe Vivien de Saint-Martin, il serait peut-être imprudent d’en faire l’expérience.

Lavarède, en disant cela, avait fait sourire la jeune Anglaise.

— Continuez, je vous prie, dit-elle.

— Que je continue ma conférence ? Soit, mais efforçons-nous de la faire amusante et instructive. Vous remarquerez, mademoiselle, que la population, qui dépasse 260 000 habitants pour les neuf îles, San Miguel, Terceira, Piro, Fayal, San Jorge, Graciosa, Florès, Santa Maria et Corvo, est presque blanche, plus blanche en tout cas que celle de la province d’Algarve, au sud du Portugal, avec de superbes cheveux noirs.

Les Açoréens, pour la plupart beaux et bien faits, leurs femmes renommées pour leur fécondité, se ressentent des trois éléments qui ont concouru au peuplement des îles, dites « africaines », comme Madère, les Canaries et celles du Cap-Vert, bien qu’elles soient plus rapprochées du continent européen que de la terre d’Afrique.

Ces trois éléments, fondus depuis des siècles, sont les cultivateurs, Maures d’origine, les conquérants portugais, venus au milieu du quinzième siècle, et, — ce qui est moins connu, — les colons flamands, envoyés peu après par la mère de Charles le Téméraire, la duchesse Isabeau de Bourgogne, à qui son frère le roi Édouard avait fait don de ces îles, nouvellement acquises alors à la couronne portugaise.