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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

À ce moment, Ramon se pencha vers une plante dont il cueillit quelques touffes ; il les remit à sa femme qui les serra précieusement. Lavarède demanda une explication.

— C’est le guaco, répondit l’Indien, la plante qui guérit la morsure du coral.

— Ah ! le joli petit serpent qui ressemble à un bracelet de femme ?

— Joli, en effet, avec sa couleur rouge, ses anneaux d’or et de velours ; petit aussi, car il ne dépasse pas vingt ou vingt-cinq centimètres… mais terrible ; sa morsure donne la mort instantanément.

— Brrr ! fit Armand, et tu peux nous en préserver ?

— Oui, à l’aide de cette plante. L’Esprit créateur n’a-t-il pas mis toujours le remède à côté du mal !

— C’est juste.

Sir Murlyton, qui avait écouté sans parler, se mit à marcher avec prudence, regardant à terre avec soin.

— Que fais-tu là ? demanda l’Indien en souriant.

— Je cherche s’il n’y a pas de petit serpent.

— Vraiment ! alors ne regarde pas à tes pieds… C’est en haut qu’il faut surveiller.

— Comment cela ? dirent les deux hommes.

— Oui… le coral se tient roulé à l’extrémité des branches qui pendent et tombent sur les chemins. Tu le prendrais facilement pour une fleur.

À point nommé l’expérience put être faite. Un bouquet de bois empiétait sur la route : c’étaient un conacaste, sorte d’acajou de qualité inférieure ; un madera-negra, qu’on appelle madre de cacao, parce que le cacao croît sous son ombre ; un chapulastapa, au bois brun, réputé le plus bel arbre de ces climats. À la pointe d’une branche sous laquelle allait passer la voiture, un point rouge commença de s’agiter. Ramon prit une baguette flexible, et d’un coup sec abattit le coral, fendu en deux. Une forte odeur d’amande amère s’en dégagea tout aussitôt.

— L’acide prussique, fit Armand.

L’animal était tombé sur une touffe verdoyante. Sir Murlyton, à la demande de sa fille, le voulut prendre, afin de le conserver comme souvenir. Mais il retira vivement sa main en poussant un cri de douleur.

— Est-ce que le coral est encore vivant ?… demanda Lavarède.

— Non, fit l’Indien ; mais cet arbuste où repose son cadavre est un chichicaste, et ton ami s’y est piqué… Tiens, voici ton serpent, donne-le à la jeune fille.