Page:Jérusalémy - Le Festin du jour de l’an à Tahiti.djvu/8

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Les chasseurs, qui sont en général les prolétaires du district, sont occupés à saigner, à écorcher et à dépecer le produit de leur chasse, qu’ils se partagent entre eux, sans oublier tous ceux qui leur demandent une petite part ; les « huiraatira, » et le chef du district par l’entremise de ses « mataro » (hommes de peine), en font autant des animaux de leurs basses-cours ; les mères de famille, pour l’unique fois dans l’année, mettent un peu d’ordre dans leur intérieur ; toutes les hardes, qui ont été blanchies et repassées, sont rangées méthodiquement dans le coffre en bois de rose ou de camphre fabriqué en Chine — luxe suprême — qui sert d’unique armoire à la famille. Ce meuble, et les autres, quand la case en possède, sont époussetés et essuyés ; le plancher de la case lavé et frotté, l’« aretu » secoué ou renouvelé. Les grands parents ont été chargés de tout ce qui regarde les fours. Tandis qu’ils creusent des trous circulaires dans la terre, sur le derrière de l’habitation, qu’ils y entassent des galets de mer chauffés à haute température au moyen de morceaux de bois placés en travers et enflammés, les fillettes enveloppent dans les feuilles du « féi » ou du bananier les morceaux de porc ou les poissons que le chef de la maison a pris la veille au harpon, et détachent de leurs régimes les fruits arrivés à maturité ; les garçons, au moyen d’une petite noix de coco vidée et polie, râpent la peau des « maïorés »[1], coupés en deux, et vont à la rivière laver et peler, par le même procédé, les têtes de « taro »[2], plumer et nettoyer les volatiles dont on vient de couper le cou. Poissons, viandes et fruits sont placés symétriquement sur les cailloux rougis au feu. On recouvre le tout de plusieurs couches de feuilles de « maïoré » ; sur les feuilles on met de vieux sacs en toile, et sur les sacs de la terre. Les

  1. Fruit de l’arbre à pain, de la grosseur d’un coco et de forme ovoïde.
  2. Espèce de tubercule de forme conique et de la grosseur d’une betterave que les Tahitiens cultivent dans les terrains marécageux, qu’ils dessèchent, quelque temps après la plantation, au moyen d’un drainage à rigole unique encadrant le champ. Ce tubercule, fort recherché par les naturels, arrangé d’une certaine façon, est assez agréable au goût. Ses feuilles se développent et atteignent une grande dimension.