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Mais si notre commerce extérieur a fléchi de 65 p. 100 en cinq années, il faut se rendre compte que cela n'est pas dû seulement à la politique d'isolement, à l'autarchie pratiquée de plus en plus.

Je lisais hier des décisions prises à ce sujet par le Gouvernement des Soviets, qui ne font que rejoindre ces formules d'isolement, par rapport aux possibilités de commerce international.

Il faut tenir compte d'un autre élément, d'ordre national celui-là, et qui constitue, pour nous, une difficulté essentielle. C'est l'élévation exagérée de nos prix de revient. Avant les lois récentes, ils étaient d'environ 13 p. 100 plus élevés que l'ensemble des prix mondiaux. Si l'on admet, avec M. Philip, que la répercussion des lois récentes sur les prix de revient sera de 20 p. 100, la différence sera donc portée à 33 p. 100. C'est là, je crois, la difficulté principale.

C'est à ce point de vue que des mesures s'imposent. Elles peuvent l'être rapidement, surtout en ce qui concerne notre commerce d'exportation. Il faut alléger les charges fiscales — c'est l’œuvre que vous poursuivez — et lutter contre la cherté du loyer de l'argent.

J'attire votre attention sur un point où je suis certain, monsieur le ministre de l'économie nationale, de me trouver en plein accord avec vous : il est nécessaire de mettre un terme au maintien artificiel, en matière de commerce international, des prix des matières premières indispensables à l'industrie. Cela, je le crois, est en votre pouvoir.

Enfin — et si M. Paul Reynaud était présent, il se réjouirait évidemment — j'insiste sur la nécessité d'agir, non de façon isolée, ce n'est pas ma thèse, mais rapidement, pour mettre un terme aux inconvénients de notre situation monétaire par rapport à celle de l'étranger.

Ceci est d'une urgence absolue. Il s'agit de parer à un danger mortel.

La diminution de notre commerce extérieur risque d'aller s'aggravant dans les jours qui vont suivre, avec une rapidité inquiétante, du fait de l'augmentaion de nos prix de revient. (Applaudissements au centre et à droite.)

J'en ai fini, messieurs. Je ne veux pas abuser de la bienveillante attention que veut bien m'accorder la Chambre.

En somme, tout le système basé sur le prêt — prêt insuffisant — et qui, si j'en crois le dernier article de l'un des projets, engage l'État à concurrence de 3. 500 millions, constitue une traite que l'on demande aux intéressés de tirer. Vous entendez leur faire partager votre confiance, votre foi — nous ne demandons qu'à l'avoir tous, ici — dans une reprise intense de notre activité économique. Vous leur demandez, sur cette espérance, sur cette foi, d'émettre une traite qui, pour le moment, est de peu d'importance, mais qui, dans un avenir pas très lointain, quelle que soit la réussite de l'expérience, devra s'augmenter.

C'est aux intéressés eux-mêmes que vous demandez d'émettre cette traite et d'en supporter tout le poids ; mais en définitive, ce serait sur l'État, si les choses ne se passaient pas comme vous l'espérez, que ne pèserait cette charge.

Puisqu'il en est ainsi, ne serait-il pas préférable de prendre rapidement un ensemble de mesures qui, sans alourdir le prix de revient affirmeraient votre foi ? Ne serait-il pas préférable de recourir à des allégements fiscaux ? Alors, cette traire, c'est vous qui la tirerez sur ce que vous attendez de l'ensemble des projets que vous nous soumettez et que vous nous demandez de voter. (Applaudissements.)

Ainsi, vous laisserez au commerce ce qui est le véritable crédit, car l'opération que vous faites actuellement est à l'inverse de ce qu'est le crédit commercial.

Le crédit commercial a pour but d'étendre les transactions, mais il doit porter sur des transactions réelles, dont la durée d'exécution est simplement allongée.

Vous libérerez alors le monde du commerce des préoccupations que vous lui créez par l'endettement auquel, en définitive, vous allez le contraindre. Vous allégerez ses charges en lui donnant toutes les raisons de partager votre foi et vos espérances et, peut-être mieux qu'en leur faisant contracter des emprunts, vous serez venus au secours de ces classes moyennes qui tireront quelque avantage de ces projets — je l'espère, et c'est pourquoi je n'hésiterai pas à leur apporter mon vote — mais qui ne seront pas guéries du mal très grave dont elles souffrent et dont la guérison exige des mesures plus amples que celles qui font l'objet des projets dont vous nous avez saisis. (Applaudissements.)

Voix nombreuses. A cet après-midi !

M. le président. J'entends demander le renvoi de la suite de la discussion à cet après-midi.

M. le rapporteur général. La commission demande à la Chambre de renvoyer la suite de la discussion à quatorze heures et demie. (Mouvements divers.)

Sur divers bancs. A quinze heures et demie !

M. le président. Le renvoi de la suite de la discussion à quatorze heures et demie n'est pas possible, parce que la Chambre a décidé hier de tenir sa deuxième séance d'aujourd'hui quinze heures et demie.

Il n'y a pas d'opposition au renvoi de la suite de la discussion à cet après-midi ?...

Il en est ainsi ordonné.


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ADOPTION, APRÈS DEMANDE DE DISCUSSION IMMÉDIATE, D'UNE PROPOSITION DE LOI TENDANT À ACCORDER AUX FEMMES L’ÉLECTORAT ET L'ÉLIGIBILITÉ A TOUTES LES ÉLECTIONS

M. le président. Au cours de la présente séance, j'ai donné connaissance à la Chambre de la demande de discussion immédiate de la proposition de loi de M. Louis Marin et plusieurs de ses collègues tendant à accorder aux femmes l'électorat et l'éligibilité à toutes les élections.

L'honorable auteur m'a remis une demande signée par un grand nombre de ses collègues. La présence de cinquante d'entre eux doit être constatée par appel nominal.

Il va être procédé à l'appel nominal.

(L'appel a lieu.)

M. le président. Le bureau constate la présence de cinquante signataire.

La parole est à M. Louis Marin.

Je lui rappelle qu'aux termes du règlement, il ne peut parler sur le fond et ne dispose que de dix minutes pour justifier sa demande.

M. Louis Marin. La Chambre a adopté huit fois le texte que voici :

« Les lois et dispositions réglementaires sur l'électorat et l'éligibilité à toutes les assemblées élues sont applicables à tous les citoyens français, sans distinction de sexe. »

Je demande à la Chambre de le vote une fois de plus.

Ce n'est pas seulement pour amener le Sénat à le discuter, mais pour lui montrer que la Chambre est unanime sur cette question ; c'est aussi parce que, malgré la présence de trois femmes au banc du Gouvernement, les femmes continuent à souffrir des inégalités de traitement les plus criantes et les plus injustes.

Je me félicite d'avoir autrefois défendu sans répit cette cause et, notamment, d'avoir fait triompher, le 5 mars 1913, l'égalité de traitement des instituteurs et des institutrices.

Aujourd'hui, bien que le cabinet compte trois ministresses, dans les conventions collectives qui ont été signées à la suite de l'accord Matignon, on prévoit officiellement pour les femmes des salaires moindres que tous les hommes dans toutes les catégories. Par exemple, dans les industries du fer, des ouvriers spécialisées ne touchent qu'un salaire horaire de 4 fr. 90, tandis que les ouvriers de même spécialité touchent 6 fr. 10 ; dans les mêmes industries, les ouvriers spécialisés aux machines ont 6 fr. 25 de l'heure et les ouvrières 3 fr. 50 ; les manœuvres employés à des travaux qui ne sont pas de gros travaux pour lesquels les hommes sont seuls embauchés, touchent 5 fr. et les femmes 4 fr. 25.

Cette injustice révoltante ne peut plus durer.

En vous demandant, messieurs, d'accorder aux femmes l'électorat et l'éligibilité, je vous invite à protester en même teps contre la persistance de cette inégalité, non seulement au nom de la justice, mais aussi pour que les femmes ne soient pas embauchées spécialement à cause de leurs bas salaires.

La question du vote des femmes, par toutes les considérations qu'on peut faire valoir en sa faveur, est si connue que je n'ai pas besoin d'en dire plus long pour entraîner la décision favorable de l'unanimité de l'Assemblée. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. le président. Il n'y a pas d'opposition à la discussion immédiate de la proposition de loi ?...

La discussion immédiate est ordonnée.

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Louis Marin.

M. Louis Marin. Je n'ai rien à ajouter à ce que je viens de dire pour obtenir la discussion immédiate de notre proposition de loi. Je demande simplement à la Chambre d'adopter à la unanimité le texte que nous lui proposons.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

M. Octave Crutel. Nous demandons le renvoi de la proposition de loi à la commission.

M. le président. M. Crutel demande le renvoi de la proposition de loi à la commission.

La parole est à M. Cornavin.

M. Cornavin. Je voudrais savoir simplement si les patrons qui se déclarent favorables à la proposition de loi de M. Louis Marin accordent, dans leurs entreprises, l'égalité de salaires réclamée par notre collègue. (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.)